Je retrouve l'écriture agréable et fluide de Delphine de Vigan avec ce roman qui, à la lecture des premiers chapitres, ne me convainquait pas. Je me disais encore un de ces romans qui s'apitoie sur le sort de personnages qui n'ont pas véritablement de problèmes; que la vie malmène "gentillement" pendant quelques jours et que la littérature aime à raconter les états d'âme. Et pourtant, je persiste et découvre des personnages plus complexes, emprunts d'une forme de réalisme dans les questionnements quotidiens et les réflexions intérieures.
Nous passons du personnage féminin au masculin par chapitre et constatons, à différents égards, les similitudes et la lassitude qui les lient. L'écriture est parfois identique, dans le choix des mots, selon que l'on se trouve face à Thibault ou Mathilde montrant ainsi l'universalité du désespoir et la fatigue due aux jours qui se suivent et s’enchaînent.
Le roman s'avère être davantage une juste retranscription de la violence qui réside dans ces mondes contemporains dans lesquels nous errons. La difficulté à aimer, à faire confiance, à se confier et à connaitre l'autre. La peur de décevoir, d'agir et la pression sociale qui nous écrase un peu plus chaque jour. L'auteure met en lumière l'humain qui en nous veut hurler dans une société déshumanisée, mais en vain... Quoi de mieux alors que de se servir du milieu de l'entreprise et des cœurs brisés pour nous narrer ces sujets ?!
Mathilde est un personnage intéressant, en ce sens où elle fut elle-même partie prenante de ce système froid et dur jusqu'au jour où son tour arrive et qu'elle se retrouve expulsée, envoyée, jetée dans le cachot sans fenêtre qui lui servira de bureau. Elle n'existe plus, elle n'est plus rien. L'entreprise l'a broyée et pourtant, elle s'éveille de nouveau à l'annonce d'une potentielle mutation au sein du groupe dans lequel elle travaille. Aussi, n'a t-elle rien appris de cette situation ? Ou peut-être sommes nous contraints de faire avec, participant de fait à notre propre évacuation (future) dans les toilettes de l'oubli sociale ?
Delphine de Vigan, avec cet ouvrage, questionne les domaines qui façonnent notre existence dans ce qu'elle a de routinier. L'amour et la relation aux autres dans son intimité. Le travail dans la relation aux autres dans son hypocrisie.