Ma vie avec Clint
Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...
le 14 oct. 2016
127 j'aime
31
Le site est en ligne, vous pouvez désormais revenir à vos activités habituelles. On vous remercie pour votre patience et votre soutien ! (Il est encore possible que le site rencontre quelques problèmes de performance)
Nicolás Gómez Davilá (1913-1994) est un auteur singulier. Non seulement ce Colombien se déclare réactionnaire, mais ce catholique traditionaliste regrette la féodalité, une société ordonnée et épargnée par le poison de l’égalitarisme où chacun pouvait trouver sa place. Il fustige progressisme et socialisme, deux maux symétriques. Il n’a pas laissé d’œuvre monumentale, au risque de figer sa pensée en un système, mais seulement des commentaires, ces scolies que les commentateurs ajoutent dans les marges d’un texte pour en faciliter la lecture.
1 – Un texte bref n’est pas une sentence présomptueuse, mais un geste qui s’efface à peine esquissé.
4 – Ce ne sont pas des aphorismes que le lecteur trouvera dans ces pages. Mes phrases concises sont les touches chromatiques d’une composition pointilliste.
L’homme ne brille guère par son optimisme.
218 – La Renaissance, l’Aufklärung et la technocratie sont d’indiscutables enfants du christianisme. Des enfants de plus en plus sinistres qu’engendre dans l’espérance chrétienne l’oubli du péché originel.
1153 – Le conformisme obsolète est un scandale pour le conformisme en vigueur.
1441 – Les idéologies optimistes fusillent au début par amour. Pour guérir l’humanité. Et pour finir elles fusillent par rancœur. Parce que l’humanité est incurable.
Ni pour son amour de la modernité.
189 – Les préjugés des autres époques nous sont incompréhensibles tandis que les nôtres nous aveuglent.
588 – L’État moderne fabrique les opinions qu’il recueille ensuite respectueusement sous le nom d’opinion publique.
626 – Pour juger notre époque, il suffit de rappeler que ses moralistes sont les sociologues.
Le catholique est intransigeant.
1220 – La crucifixion, selon le christianisme d’aujourd’hui, ne fut qu’une lamentable erreur judiciaire.
1109 – Une fois disparue leur profondeur religieuse, les choses se réduisent à une superficie sans épaisseur dont la transparence laisse apparaître le néant.
1934 – La religion ne se démontre pas, on l’attrape par contagion.
Mais aussi aristocrate.
718 – Mûrir ne consiste pas à renoncer à ses aspirations, mais admettre que le monde n’est pas obligé d’y satisfaire.
742 – Être aristocrate, c’est se refuser à croire que tout dépend de la volonté.
884 – Le véritable aristocrate est celui qui a une vie intérieure. Quels que soient son origine, son rang ou sa fortune.
Et poète.
65 – Les phrases sont les petits cailloux que jette l’écrivain dans l’âme du lecteur. Le diamètre des ondes concentriques qu’ils engendrent dépendent de la taille du bassin.
1471 – L’âme cultivée, c’est celle où le vacarme des vivants n’étouffe pas la musique des morts.
1623 – La patrie sans verbiage nationaliste, c’est simplement l’espace que contemple à la ronde un individu quand il gravit une colline.
Gómez Davilá a refusé de s’engager. Non par peur, mais conscient de l’inutilité actuelle du combat.
1956 – Pour le moment toute action est stérile. Attendons pour agir que les vigies annoncent la rupture des digues par les eaux invisibles du dégoût.
L’action politique étant impossible, le réactionnaire s’est désolidarisé de son époque pour défendre la seule cause utile, la cause de l’âme, poursuivant « dans la jungle humaine des traces de pas divins. »
1839 – Le monde moderne ne sera pas châtié. Il est le châtiment.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 104 critiques de livres et Chrétiens non conformistes
Créée
le 7 juin 2021
Critique lue 850 fois
23 j'aime
2 commentaires
Du même critique
Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...
le 14 oct. 2016
127 j'aime
31
Je dois à Hayao Miyazaki mon passage à l’âge adulte. Il était temps, j’avais 35 ans. Ne vous méprenez pas, j’étais marié, père de famille et autonome financièrement. Seulement, ma vision du monde...
le 20 nov. 2017
123 j'aime
14
J’avais sept ans. Mon père, ce géant au regard si doux, déposait une bande dessinée sur la table basse du salon. Il souriait. Papa parlait peu et riait moins encore. Or, dans la semaine qui suivit, à...
le 11 juin 2016
123 j'aime
30