Encore une fois, je me retrouve confronté à cette même évidence. J’ai un problème avec Albert Camus. Les raisons de ce désamour empli de respect me sont totalement étrangères, mais une chose est sûre : je n’aime pas les histoires de Camus. J’ai essayé la Peste… et je me suis ennuyé comme rarement en lisant une œuvre de fiction. J’ai essayé l’Etranger… et je n’ai pas terminé. Non pas que je le trouve aussi ennuyeux que La Peste (qui reste selon moi un must dans ce domaine), mais impossible d’accrocher (on verra par la suite si je décide de retenter l’expérience).
Devant ce terrible constat, il me fallait aller de l’avant.
Car ne pas apprécier les histoires de Camus ne m’empêche pas de vouer un culte à sa philosophie et à ses engagements politiques. Me retrouvant face au mur, je me suis jeté avec force et désespoir sur sa pièce la plus célèbre, afin de combler ce paradoxe qui me déchire depuis tout ce temps.
Mais malheureusement, le constat reste le même…
J’ai aimé Les Justes car c’est une œuvre complète, riche et porteuse de nombreuses réflexions passionnantes qui demeurent pertinentes encore aujourd’hui. L’histoire centrale est également bien écrite, les personnages sont intéressants et certaines scènes sont à vivre pour ce qu’elles sont : d’impressionnant tours de force littéraires. Mais… non vraiment je n’y arrive pas.
Et ce qui est assez intéressant dans mon rapport avec Camus, c’est que ce que je lui reproche est constant d’une œuvre (fictive) à l’autre. En ce sens je m’incline à nouveau devant lui avec respect, car conserver une telle continuité dans son style n’appartient qu’aux grands écrivains. Et Camus est un grand écrivain, un philosophe brillant et un politique engagé… Mais comme toujours chez lui, l’intérêt narratif pur de ses histoires n’est jamais à la hauteur de la portée du discours qu’il y distille.
Et c’est vraiment dommage. Les Justes est en effet une pièce très classique aux enjeux relativement simples, mais qui parvient à soulever avec intelligence de grandes questions réellement intéressantes : toutes les opinions se valent-elles ? Tuer peut-il être légitime ? Puis-je avoir tort de mener un combat fondé sur la raison et le constat logique ?... Seulement, je trouve que celles-ci sont amenées avec d’énormes sabots et débattues sans aucune subtilité, à tel point que lorsque Camus décide franchement et en tout honnêteté de laisser tomber son histoire pour nous parler de philo, il fait faire à sa pièce des pauses interminables pour se laisser la place de s’exprimer…
Et je trouve ça très désagréable.
Lorsque je lis une œuvre narrative, j’estime que la priorité de l’auteur doit être son histoire et ses personnages. Sinon je lis un essai. Et Camus est un brillant essayiste, mais un conteur que je ne parviendrai jamais à apprécier pleinement.
Et c’est en cela que je me retrouve complètement coincé. La philosophie de Camus est passionnante et très bien traitée au cours de la pièce. Et la pièce en elle-même est également relativement bien écrite, avec de vrais moments forts en émotions. Mais le mariage des deux ne reste à mon sens qu’un résultat bâtard…
Tu verras Albert, un jour nous nous trouverons. Et ce jour-là, je te lâcherai plus.