Tachons d’être honnête : je ne suis pas l’homme qu’il vous faut. Je fais partie des rares mais néanmoins puissants partisans du cercle de la déchéance de Bond. Permettez-moi d’être plus clair : je n’aime pas James Bond. Cette saga immortelle qui , à de maintes reprises, a enflammé le monde du Cinéma me laisse profondément indifférent, et bien que mon âme d’amoureux transi du Cinéma ne puisse nier la considérable influence que celle-ci a eu sur le genre du film d’espionnage, mon intellect pragmatique et méprisant ne cesse de me clamer ceci : Bond est mort le jour où Bourne est né.
Voilà, comme ça vous avez une petite idée du camp dans lequel je suis.
Le seul et unique James Bond que j’apprécie un tant soit peu (voir même beaucoup) est le Casino Royal de 2006, qui a su tirer parti du réalisme viscéral de la saga Jason Bourne, pour amorcer une transition vers un style plus sombre et plus conforme à la réalité d’un monde post 9/11. Classe, soigné et fort bien écrit, le bébé de Martin Campbell avait su me redonner confiance en l’avenir de James Bond, désormais fort bien incarné par un Daniel Craig au style américano-anglais des plus plaisant. Quel dommage que Quantum of Solace soit venu gâcher tout ça…
Mais plus que la qualité purement filmique, ce qui m’avait séduit chez Casino Royal c’était son habile traitement de l’immortelle figure du Cinéma qu’est le personnage de James Bond. Et oui je dis « figure », puisqu’à mon sens James Bond n’était à l’époque rien de plus qu’une simple coquille vide, polie et parfaitement sapée incapable d’une quelconque évolution psychologique… Arrive alors Mr Bourne, personnage réaliste, profond et torturé, qui séduit sans réserve un public sans doute lassé du brushing imperturbable de son héros habituel, alors incarné par Pierce Brosnan. Et devant ce constat, les producteurs prennent une décision intelligente (oui je sais ça parait incroyable pour un producteur mais c’est bel et bien ce qu’il s’est passé) et décident de faire évoluer le personnage et son univers, se rapprochant justement de la saga à succès de l’époque, celle de notre ami Jason. D’où mon affirmation précédente : Bond est mort le jour où Bourne est né…
Mais tel un phœnix, notre ami James nous a prouvé que plus que les brushings et les cocktails, c’est bel et bien la résurrection qui est sa seule passion (depuis le temps que j’ai envie de la sortir alors ne me jugez pas).
Mais pour ça il nous faut un Homme providentiel… Quelqu’un qui parvient à honorer le personnage (qui fêtait alors ses 50 ans) et qui nous fasse un BON FILM. Et c’est alors que Sam Mendes est apparu, réalisateur au combien estimé par ma personne qui avait ultérieurement pondu le chef d’œuvre filmique des années 90 (et je pèse mes mots) : American Beauty. Et il ne fallait pas moins d’un grand, pour faire aussi magnifiquement renaitre cette saga demi-centenaire.
J’aime Skyfall. Pas parce que c’est un excellent James Bond, mais parce que c’est un excellent film. Un film qui a su briser les chaînes imposées par ses ancêtres et imposer la nouveauté comme standard de référence. Premier revirement, et non des moindres, Skyfall est un film avec du fond, un vrai fond politique et psychologique comme la saga n’avait jamais réussi à nous en offrir jusque-là. Skyfall (Chute du ciel au cas où le message ne serait pas assez claire…) fait en effet LE choix qu’il FALLAIT faire en terme de thématiques : le terrorisme. Le vrai, celui qui s’en prend à nos symboles, celui qui nous plonge dans la terreur et celui qui détruit tout ce que nous chérissons : le terrorisme post 9/11 (ce n’est pas trop tôt). Ce terrorisme implacable incarné par un homme désincarné, ravageant au nom d’un passé à jamais révolu… Non seulement nous sommes à deux doigts de la tragédie, mais en plus le traitement de la chose est maitrisé, bien développé et totalement à propos… tout en étant complètement d’actualité (décision intelligente 1).
Mais loin de s’arrêter en si bon chemin, le film (ou plutôt les scénaristes) poursuit sur sa lancée en distillant subtilement au fil de sa trame narrative de nombreux autres thèmes tel que la question du secret gouvernemental, la notion de sacrifice, ou encore l’opposition entre les différentes façons de combattre « ceux qui vivent dans l’ombre ». Et tout ça avec une intelligence que l’on peut résumer ainsi : celle de l’art du dosage. Je ne sais si c’est à lui que je dois en attribuer le mérite mais une chose est sûr cher Sam, Skyfall est un film extraordinairement bien dosé. Tu as su alterner l’action viscérale et effrénée de tes courses poursuites avec de nombreuses scènes calmes et verbales, le tout avec une fluidité qui impose le respect. En bref, tu as su faire de ton film d’action à gros budget un véritable drame intimiste et savamment orchestré. Et pour ça : chapeau (décision intelligente 2).
Mais sans nul doute que ta plus belle réussite (en tout cas selon moi) est d’avoir fait de ton James Bond une œuvre véritablement esthétique. SKYFALL EST UN FILM MAGNIFIQUE. Que ce soit le choix du cadre, la mise en scène à la fois discrète et intelligente, la façon d’agencer les personnages dans les décors, ou encore le choix des couleurs qui installent une ambiance planante et presque onirique (la scène de fin dans les landes… olàlàlàlà !) tout bonnement exceptionnelle pour un film d’une telle ampleur … Sam, tu gères (décision intelligente 3).
Et quand est-il du traitement de ton personnage principal ? De cette figure agonisante du passé que bon nombre de spectateur désire ardemment retrouver ? Que dire de ce choix d’avoir changé les brushings et autres cocktails en addictions, doutes et tourments intérieurs ? Que dire si ce n’est : MERCI ? Merci d’avoir fait de James Bond un vrai personnage, de lui avoir donné un passé et d’avoir bâti tout un film sur la quête de son identité et de son rôle dans l’univers qui est le sien. C’est quand même dommage de se réveiller au bout du 23e film !
Mais quel 23e film ! Quel talent mes potos que celui dont vous avez fait preuve pour nous livrer un divertissement (dramatique) d’un tel niveau ! Votre film a beau avoir des défauts, la résurrection filmique que vous avez opérée est d’une telle splendeur que je me contenterai de dithyrambiques éloges pour cette fois. Vraiment, MERCI !
Conclusion : Permettez-moi de préférer les insultes des fans aux vers de Tennyson pour conclure cette critique. « James Bond est mort avec ce film ! » ne cessez-vous de clamer ? Qu’à cela ne tienne. James Bond est mort, vive James Bond !