L’initiation sentimentale
(Journée Laclos : 1/4) Œuvre unique sur bien des aspects, Les Liaisons dangereuses marque durablement celui qui en entreprend la lecture. D’abord, par l’intelligence de sa structure : le genre...
le 17 avr. 2014
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Les liaisons dangereuses, roman épistolaire du XVIIIe siècle, est l'un des grands classiques que l'on découvre à l'adolescence, en cours de français.
Comme tout le monde, j'ai découvert ce roman au lycée et redécouvrir cette oeuvre...
Je m'étais régalée à lire ces lettres qui ne m'étaient pas adressées. J'avais adoré détester la marquise et Valmont.
Du haut de mes jeunes années, je trouvais Cécile ô combien stupide et naïve. Seule Madame de Tourvel trouvait grâce à mes yeux je crois. Sincère avec elle-même et avec les autres, elle se donne entièrement, corps et âme. Elle offre son coeur sans détour en toute connaissance de cause et même si elle doit en souffrir, elle ira au bout et n'aura aucun regret. Elle assume ses choix.
L'orgueil, la volonté d'en imposer à l'autre, la jalousie, détruisent chez tous ces personnages les sentiments les plus nobles et leur aptitude au bonheur. L'un est tout entier centré sur son propre plaisir alors que l'autre est mue par la vengeance et son combat pour la liberté dont la prive sa condition de femme. Leur amitié qui aurait pu se transformer en amour, tant ses deux là étaient faits l'un pour l'autre, se dégrade au fil du roman et en refusant cette soif d'amour qui les habite, ils le détruisent. Leur complicité s'étiole de par leur jalousie réciproque, leur fierté qu'ils ne savent pas remiser et ils s'éloignent l'un de l'autre jusqu'à passer de l'amour inavoué à la haine déclarée. De lettres en lettres, l'infernal manège amoureux des deux libertins se referme sur eux comme un piège.
Après avoir vu les différentes adaptations cinématographiques plus ou moins réussies mais toujours agréables (Ah Glenn Close... !!!) me voilà assise dans un fauteuil en attendant le lever du rideau rouge.
La place prépondérante que tient le théâtre dans ce roman (le théâtre mondain dont M. et V. sont les metteurs en scène), le respect des unités de lieu de temps et d'action sont à peu de choses près respectées et la structure de l'oeuvre font qu'elle trouve tout naturellement sa place sur les planches.
L'intérêt de cette représention, outre le texte merveilleux de ce bon vieux Choderlos réside dans le choix des interprètes.
Sachant que la grande Dominique Blanc allait incarner la célèbre marquise mon sang n'a fait qu'un tour.
Elle, la responsable de l'une de mes plus grandes émotions théâtrales lorsque seule sur scène elle prètait sa voix et son corps à La douleur de Marguerite Duras, allait m'accompagner pendant plus de trois heures dans la redécouverte de cette oeuvre intemporelle, allait incarnait le machiavelisme fait femme.
Et je n'ai pas été déçue. Elle offre une interprétation exceptionnelle. Sa voix, sa diction parfaite, son charisme font qu'elle occupe l'espace en étant de chaque scène ou presque durant tout le spectacle. Face à elle, son partenaire dans Indochine et La Reine Margot cabotine un peu trop en mettant du bouffon dans son Valmont.
Ouverture scène sombre, une silhouette s'avance dans l'ombre se détachant en ombre chinoise qui prend la lumière au fur et à mesure qu'elle approche du centre de la scène.
Scène finale, un corps de dos sort de la lumière et s'enfonce vers l'obscurité.
Dominique Blanc, marquise de Merteuil montre ainsi la place centrale qu'elle occupe.
Du début à la fin, elle est fascinante de cruauté et de séduction.
Cette adaptation est à la fois respectueuse du matériau originel et moderne dans sa manière de l'aborder.
Le décor, étonnament neutre et sobre, se compose de parois marron-gris avec des ouvertures représentant portes et fenêtres, nu et sans meuble mais qui fait magnifiquement ressortir le travail de Thibault Wlchlin sur les splendides costumes. La mise en scène de Christine Letailleur rend cet espace vide vivant en optimisant chaque recoin au fil de la représentation. En plus d'en faire une pièce qui se souvient avoir été un roman, la spécialiste de l'adaptation des textes de la période. Epargnant au spectateur le côté fastidieux de la lecture d'une correspondance, elle en conserve néanmoins certains passages.
Il se tient sur deux niveaux tour à tour utilisés ensemble ou indépendemment. Les jeux de lumières et la qualité des éclairages lui donne vie et met en valeur les acteurs.
Pour elle le côté féministe de Choderlos est toujours d'actualité.
"Mme de Merteuil pose la question de l'égalité entre hommes et femmes et ça reste d'actualité: un homme de 60 ans qui courtise une femme de 20 ans est mieux accepté qu'une femme de 45 ans qui s'intéresse à un homme qui a vingt ans de moins qu'elle. Il reste des progrès à faire",
remarque-t-elle.
De la jeune Cécile à la quasi centenaire Mme de Rosemonde, le texte traverse le corps des femmes à travers ses âges.
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Créée
le 24 mars 2016
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