Quel plaisir, à chaque sortie, de pouvoir me replonger dans un roman de Delphine de Vigan ! Je crois que depuis le temps, je les ai tous lus. Et chaque fois je retrouve cette écriture subtile, la justesse de ses mots lorsqu'elle fouille les tréfonds de l'âme humaine dans toute sa noirceur, mais aussi dans ce qu'elle peut avoir de plus lumineux.
Il y a des livres de l'auteur que l'on lit le cœur serré et celui-ci en fait partie. On y retrouve quatre personnages, en prise avec leurs loyautés, "ces fidélités silencieuses", comme les décrit l'auteur, qui nous tiraillent, nous meurtrissent, nous détruisent ou nous portent.
Il y a la loyauté de Théo envers ses parents divorcés. Obligé de grandir vite pour sauver les apparences, pour assumer un quotidien que ses parents ne sont plus capables d'affronter, pour préserver à la fois son père et sa mère, le jeune garçon endosse des responsabilités qui le dépassent et vont le mener au bord de l'abîme.
Il y a la loyauté d'Hélène, envers Théo et envers ses convictions. L'enseignante voit en cet élève taciturne et trop appliqué à passer inaperçu une réminiscence de son passé. Ces blessures invisibles, elle croit les reconnaître. Elle seule parvient à voir au-delà des non-dits, pour petit à petit lever le voile sur les secrets de l'enfant, malgré la carapace qu'il s'est forgée. Mais comment sauver le garçon quand tout le monde autour de vous affirme que vous fabulez et que, rattrapée par votre enfance avortée, vous vous faites des idées ?
Il y a la loyauté de Mathis envers Théo, car pour sauver son ami, il doit, d'une certaine manière, le trahir... Mais s'il décide de suivre Théo sur la pente glissante où il l'entraîne, c'est sa mère, Cécile, qu'il trahit.
Et il y a enfin la loyauté de Cécile envers son mari et sa famille, brutalement remise en question lorsqu'elle découvre que l'homme qu'elle a épousé possède sur Internet un alter ego aux idées sordides.
Dans ce livres, on ne sait plus trop qui sont les grands, et qui sont les enfants... Des adultes que l'on a envie de consoler, des enfants que l'on voudrait sauver.
Alors non, on n'échappe pas à quelques clichés et quelques ficelles un peu faciles. Mais cela n'a pas gâché mon plaisir. Si vous attendez une critique sociale profonde, en effet, passez votre chemin. Nous sommes dans de la pure fiction, qui aborde des problèmes bien réels. Des profs comme Hélène, il n'en existe sans doute pas beaucoup dans la vraie vie, mais qu'importe. J'ai eu dans les mains un roman sensible sans sensiblerie, où tout s'imbrique parfaitement (trop parfaitement diront certains) et c'était ce que je recherchais. Mon seul regret... J'ai trouvé le roman trop court, j'aurais aimé le faire durer...
Un texte très (trop!) court et dense, porté par l'écriture élégante et pleine de douceur de Delphine de Vigan, ce style que j'aime tellement. J'ai lu ce livre en apnée, ne reprenant mon souffle qu'en le refermant sur une scène finale bouleversante de noirceur mais aussi d'espoir, où chaque personnage semble avoir retrouvé son chemin dans les méandres de ses loyautés. Car si tout au long du livre les quatre personnages ont dû se démener avec leur "fidélités silencieuses", chacun aura dû finalement faire son choix...
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