Tevanne, cité industrielle, est régie par quatre corporations qui se partagent le pouvoir depuis leurs campos, des quartiers hyper-sécurisés dans lesquels les corporations et les habitants évoluent en autarcie. Leur fortune vient de l'enluminure, sorte de magie / science altérant les propriétés physiques des objets, que les corporations ont réussi à monétiser en la vendant aux plus fortunés et en déposant des brevets liés à leurs découvertes.
Au milieu de ces campos, les Communes, un non-quartier pauvre où s'entassent les marginaux et les moins chanceux. Sancia Grado, l'héroïne du roman, voleuse de profession issue de ces bas quartiers, a le pouvoir de « comprendre » les objets et leur ressenti.
Suite à un travail pour lequel elle est embauchée, elle fait la rencontre de Clef, une clé enluminée qui peut communiquer avec elle ainsi que dialoguer avec les objets enluminés pour les forcer à modifier leurs qualités physiques (Imaginez donc une clé parlementer avec un verrou magique pour qu'une porte hautement sécurisée s'ouvre).
En utilisant habilement les codes du steampunk (technologies industrielles magiques), du cyberpunk (corporations cupides et corrompues se substituant à une autorité étatique), et de la fantasy (anciennes civilisations disparues), Robert Jackson Bennett signe ici le début d'une trilogie aux enjeux fascinants. Le procédé d'enluminure est dès le départ suffisamment expliqué et s'étoffe au fil des chapitres ( ex : une charrette qui avance toute seule car ses roues sont persuadées de dévaler une pente constamment, des carreaux d'arbalète destructeurs car convaincus d'être au bout d'une chute de 1000 mètres). On se prend ainsi aisément au jeu d'imaginer comment on pourrait nous aussi altérer la physique des objets.
Les maîtres enlumineurs nous emmène bien au-delà du simple postulat d'autorité corrompue n'ayant que faire des petits via un panel de personnages aux motivations diverses (un milicien vétéran de guerre avec une masse enluminée aux propriétés destructrices, deux scientifiques obsédés par leur travail) mais réunis par la volonté de faire tomber la corporation Candiano, dont les ambitions dépassent l'entendement. (Mais pas de spoil ).
Avec un premier tome qui ne présage que du bon pour la suite, le roman de Jackson Bennett est à lire pour qui aime le genre steampunk versant plus vers la magie que les machines à vapeur.