Dans un futur éloigné, la terre ayant été détruite par des guerres nucléaires et autres conflits mondiaux, l'Humanité vit dans l'espace à bord du Gilgamesh, un vaisseau ayant pour "cargaison" les derniers restes de la race humaine. Le docteur Avrana Kern avait cependant un projet pour l'Humanité, terraformer une planète, humblement nommée "monde de Kern" et y implanter une race de singes qui, aidés d'un nanovirus accélérant leur évolution et leur prise de conscience, accueilleront les restes du genre humain comme des Dieux créateurs venus des étoiles.
Cependant, les choses ne se passent évidemment pas comme prévu. À bord de la station scientifique Brin 2, le professeur Sering, faisant parti des NUN (Non Ultra Natura), groupe terroriste opposé à la création de races sentientes par l'Humanité, commet un attentat. La capsule contenant les singes destinés à vivre sur le monde de Kern explose, réduisant l'expérience et le futur démiurgique de l'Homme à néant.
Mais, sans que personne ne s'en aperçoive, le nanovirus arrive à s'immiscer sur le monde de Kern et commence à fusionner avec une toute autre race animale, des araignées.
L'introduction du récit terminée, on suit le cheminement et l'évolution des deux civilisations, les derniers Hommes vivants et les araignées désormais douées de conscience, via une alternance de point de vue entre chaque chapitre.
Côté humains, des années après l'attentat et la quasi fin de l'Humanité, on suit les péripéties à travers le temps (les personnages disposant de caissons d'hibernation sont "réveillés" à des intervalles de plusieurs décennies) de Holsten, le linguiste et Lain l'ingénieure, qui cherchent à faire du monde de Kern un lieu habitable pour leur race. Il leur faudra néanmoins négocier avec Avrana Kern, qui a depuis fusionné avec sa station spatiale et est en conflit permanent avec l'IA crée à son image, ce qui l'a rendue hyper protectrice de "son" monde, empêchant aux passagers du Gilgamesh de déranger son expérience et ses "singes".
Bien entendu, au sein même de l'équipage, luttes de pouvoirs, rébellions et autres sont de mise, comme dans toute population en crise.
Coté araignées, on voit l'évolution de générations d'arachnides à travers la même temporalité que les Humains cryogénisés. Commençant en simples chasseuses apprenant les tactiques de groupe à une civilisation agricole faisant la guerre aux fourmis, puis exploitant ces dernières. Là aussi, on assistera à tout ça via le point de vue de plusieurs araignées (étant à chaque fois les descendantes de leurs ancêtres éponymes). On voit chez ces arachnides intelligents des problématiques familières se développer, entre l'essor de la communication et de l'art (ici basés sur le tissage de toile et les gestes, les araignées n'ayant pas de voix à proprement parler), les conflits et mystères religieux (le satellite de Kern émettant depuis des siècles un message auquel ses "singes" répondront lors qu'ils auront suffisamment grandi), mais aussi les inégalités sexuelles suivies par l'émancipation des mâles (ici relégués à de simples larbins et partenaires sexuels).
Sur les épaules des géants
Dans la toile du temps est donc un roman de science-fiction fascinant par sa manière de raconter l'évolution d'une civilisation qui cherche à comprendre ses origines et sa place dans l'univers, mise en parallèle avec la quête quasi prophétique d'une humanité sur le déclin qui cherche à se reconstruire et trouver un nouveau foyer (on pense notamment au pitch de Battlestar Galactica qui contient quasiment les mêmes enjeux). Les descriptions des comportements animaux des araignées sont à la fois renseignés et facilement compréhensibles (Tchaikovsky ayant étudia à la fois la biologie et la psychologie, il sait de quoi il parle), les personnages sont suffisamment caractérisés pour susciter l'empathie et sont aussi perdus que nous face aux siècles qui passent et l'évolution de la vie humaine et arachnoïde.