Un remarquable ouvrage historique, consacré aux 17 maréchaux que nomma Staline et qui se présente sous la forme d'autant de mini-biographies des intéressés. L'occasion aussi de se souvenir que c'est - entres autres - à ces 17 gugusses que l'on doit les quelques décennies heureuses de la seconde moitié du vingtième siècle, avant que l'humanité ne retombe dans ses vieux travers. Bon, pour être plus précis, leurs contributions n'ont pas toutes été d'un poids égal et certains n'ont pas vécu assez longtemps pour affronter l'Allemagne, victimes de la paranoïa aigüe de leur chef.
Ce qui est frappant, c'est la grande diversité des profils, en termes d'origines sociales. Certains sont d'authentiques prolétaires, quasi illettrés, alors que d'autres sont issus de la petite bourgeoisie ou de la grande bourgeoisie, voire de l'aristocratie militaire. Certains n'ont adhéré au Parti Communiste que tardivement, alors que d'autres ont participé activement à la révolution d'octobre. On apprendra ainsi que durant la guerre civile russe, Trotski recruta nombre d'officiers de l'armée du Tsar, afin de professionnaliser l'armée rouge. Certains se montrèrent cruels et durs envers leurs hommes, d'autres s'imposèrent simplement de par leur charisme et leur aura.
Mais au dessus de tous plane l'ombre de Staline, en démiurge dément mais non dépourvu de de sens tactique et stratégique, et dont l'obsession constante est de préserver son pouvoir : il n'hésitera jamais, selon les auteurs, à attiser les rivalités entre ses maréchaux pour éviter que l'un d'eux ne le surpasse en popularité, et, selon les époques, fera exécuter ou tomber en disgrâce les plus menaçants d'entre eux. On trouvera ainsi dans les 17 de parfaits fayots et médiocres soldats, des esprits brillants mais dont la carrière connut des hauts et des bas et enfin des bureaucrates trouillards qui serrèrent très forts les fesses à la fin des années 30.
On l'aura compris, cette lecture est aussi l'occasion de connaitre (ou d'approfondir) certains épisodes méconnus de la guerre civile russe, comme l'agression polonaise de 1920 (avec le soutien des pays occidentaux) dans le but d'annexer l'Ukraine, la campagne de Sibérie contre les Atamans, la répression des marins de Kronstadt et de divers mouvements autonomistes. Et bien évidemment de revenir sur des épisodes plus célèbres de la seconde guerre mondiale (Leningrad, Stalingrad, Koursk, Kharkov, etc.). Bref, une intéressante page d'histoire, remarquablement factuelle et dépourvue d'arrières-pensées idéologiques (dans un sens comme dans l'autre), qui éclaire l'histoire de l'Europe au vingtième siècle.