Je veux être Chateaubriand ou rien !
Voila ce qu'ecrivit quelque part Victor Hugo à l'âge de 14 ans !
Le génie de Chateaubriand réside dans la lucidité qu'il aura eue de son époque et de son art. D'autres encore avant lui n'avaient pas quitté un XVIIIème siècle moribond qu'ils s'élançaient déjà d'un pas dans le siecle suivant. À l'instar de Madame De Staël dont les pérégrinations conduiront à une belle intuition romantique. Chateaubriand porte cet élan culturel.
C'est un avis très personnel mais Les Martyrs est une épopée chretienne très belle. Certes, dans ce genre, le génie de Chateaubriand n'embrasse pas totalement celui d'un Homère. Non, son génie à lui réside davantage dans l'ambition démesurée et consciente qu'il a vis-à-vis de son art. La grandeur de François-René De Chateaubriand doit donc davantage à ce qu'il a été un précurseur éclairé. Il aura été en litterature ce qu'il n'a pas été en politique : un révolutionnaire.
Le Lagarde & Michard sur le XIXème siècle, à propos de cette œuvre, parle d'"épopée manquée" et de pastiche presque parodique. Dans une certaine mesure, c'est parfois vrai. On le ressent de cette manière au cours de differents passages ou quand Chateaubriand dilue son propos dans une fausse mythologie chrétienne qui rend la lecture souvent fastidieuse. Le fait est que, ils le reconnaissent eux-mêmes, il y a dans cette épopée quelques fulgurances qui à mon sens valent le détour. Ainsi la rencontre entre Cymodocée et Eudore, Vélleda et sa peine, Hieroclès face à Esther ou le sort funeste de deux amants sont d'emouvants tableaux.
Mais c'est l'ambition de Chateaubriand de créer une épopée chrétienne qui est en soi tres intéressante et qui est la raison pour laquelle on devrait lire Les Martyrs selon moi. Et il faut lire également son immense préface avec autant d'intérêt que l'oeuvre elle-même.
On retrouve aussi le style magnifique de Chateaubriand qui est plutôt sobre pour un romantique (et parfois noyé, ici, dans des velléités de grandeur...).
Les Martyrs symbolise pour moi la naissance d'un siècle tumultueux et creatif comme René, autre oeuvre de Chateaubriand, représente le mal du siècle et la mélancolie générale d'une époque.
Je recommande donc pour les amoureux de la littérature et de la création (avec ou sans majuscule).