La critique d'un recueil de nouvelles est un exercice difficile. Comme c'était le cas dans L'Equateur d'Einstein et pléthore d'autres recueils, certaines nouvelles sont excellentes et d'autres moins excellentes.


Pour illustrer un cas de nouvelles décevantes, on peut s'appuyer sur celle dont le titre du recueil est tiré. Je pense que Liu Cixin est l'auteur actuel qui incarne le mieux la SF dans la mesure où il arrive à créé des mondes ou des concepts complétements inédits et contraints par la science là où, dans les grandes œuvres du genre du type Fondation ou Dune, on créé un univers qu'on arrose ensuite par un peu de technicité. Cixin est bien plus proche de l'esprit originel de Jules Verne, à la différence que Cixin sait ce qu'est un ordinateur. On ne s'étonne pas d'ailleurs qu'il lisait ce dernier étant plus jeune. Malheureusement, Les Migrants du temps, ce n'est ni original, ni en harmonie avec aucune discipline scientifique. Je n'ai rien contre des voyages temporelles qui permettent de découvrir le futur de l'humanité, bien au contraire, cette thématique était déjà exploré avec brio dans La Mort immortelle du même auteur, mais dans cette nouvelle, on ne prend pas le temps d'apprécier ni les écarts culturels induits par des innovations défigurant notre espèce ni les explications techniques de telles innovations. A la place, on a de la terre qui fait de la musique quand on marche dessus et des consciences unifiées, concept si peu original que certains souhaitent l'intégrer à la classification des civilisations de Kardachev.

Tout n'est cependant pas mauvais avec cette nouvelle, rien même à vrai dire, cela reste du Liu Cixin, c'est simplement décevant, d'autant plus que certaines pistes de réflexion engendrées par la lecture sont intéressantes comme la cyclicité de notre civilisation (concept exploité brillamment et de façon bien plus poétique par un magnifique film : A Ghost Story de David Lowery), ou encore l'intérêt tout à fait discutable de son l'existence.


Heureusement, d'autres nouvelles relèvent le niveau jusqu'aux plus hauts sommets comme La Montagne. Là où Cixin excelle particulièrement, c'est la description de civilisations extra-terrestres. Déjà parce-que la majorité des œuvres de SF jusqu'ici sont fainéantes sur ce point, on s'estime heureux quand l'apparence de l'alien n'est pas trop anthropomorphisée. (C'est le moment de lancer un regard de haine aux studios Marvel pour qui il suffit de prendre un acteur.ice et de lae peindre en vert pour que les spectateur.ices l'identifient en tant qu'alien. C'est une insulte à la créativité humaine et engendre une réflexion décourageante sur le rapport qu'ont leur fans (la moitié de l'espèce humaine quand on scroll sur tinder) avec l'altérité.) Je ne vais pas gâcher la nature de la civilisation décrite pour les lecteurs venus ici en reconnaissance, mais il s'agit, à ma connaissance (que mon humble culture en SF me permet) d'un concept tout à fait inédit dans la littérature de SF, donc autant dire en SF tout court. Les descriptions ne manquent pas de détails techniques sans que la narration ne soit trop contrainte, c'est cette équilibre qui leurre le lecteur et lui fait croire que ce monde existe, parce qu'on nous y fait voyager et parce qu'il est possible, envisageable sur le plan technique. En réalité, je doute que l'existence de cavités au centre d'une planète de la taille de la Terre ne soit possible, mais on nous parle de forme de vie non organique, de décalage vers le rouge, de Copernic et les phénomènes liés à la gravité semblent plausibles, donc on se laisse avoir, on se laisse transporter.


Enfin, critiquer un recueil de nouvelles est aussi l'occasion de mieux connaitre l'auteur. Plusieurs traits de personnalités suintent de ses nouvelles. Il est militariste, Les Migrants du temps est relativement épargné, mais son recueil précédant déborde de descriptions détaillées d'arsenaux diverses et la figure du colonel dans Les hommes et le Dévoreur est assez évocatrice, il apprécie l'idée d'appartenance à une nation ou a une espèce, à la fin de La Gloire et le rêve, probablement la pire nouvelle du livre, la décision d'une nation (en réalité des chefs d'une nation) de se battre alors que la défaite, la mort et la souffrance de millions sont assurées et qu'une offre de paix leur a été faite est rendu épic. Mais un sujet qui est, je trouve plus intéressant, est son rapport à la technologie. Liu Cixin est toujours présenté comme un grand technophile et il est vrai que le développement technologique est souvent la condition de survie de l'humanité dans ses histoires. Cependant, on sent que cette idéologie se heurte inexorablement à des mûres dans certaines de ses nouvelles. Il n'est pas aisé de rester original et technophile. Dans Le Feu de la terre du précédant recueil de nouvelles, une technologie développée par le protagoniste qui consiste à enflammer des gisements de charbon résulte en une catastrophe sans précédant. Il semblerait que l'auteur n'ai pas été satisfait du message véhiculé puisqu'il ajouta un dernier chapitre, un prologue, pour dire en substance "en fait cette technologie est quand même cool". Dans Nuit de lune, 1er avril 2018 et Pour l'Amour de Taiyuan, on nous parle de technologies écocidaires, inégalitaires et destructrices. Plus révélateur encore, dans Les hommes et le Dévoreur ont fait état de deux modes de développement technologique, celui du Dévoreur et celui d'Eridani, le premier se base sur la destruction et le métal tandis le second sur la symbiose et l'organique. Il semblerait dès lors que le rapport que Liu Cixin entretient vis-à-vis de la technologie soit plus nuancé qu'il n'y parait.


GRO-liath
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le 12 nov. 2024

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