Il y a plusieurs façon d'accrocher un lecteur. On peut le faire voyager dans un univers comme Fondation ou Harry Potter, on peut utiliser de la poésie, un style particulier, une symbolique comme dans La Horde du Contrevent. Werber utilise le suspense. La première chose que j'ai à dire la dessus c'est que c'est très facile, il suffit de faire mijoter le lecteur pendant quelques chapitres, à priori c'est même à la porté d'un journaliste. Le gros problème c'est qu'il en abuse, il y a du suspense un peu partout et au bout d'un moment ça perd de l'impact. Malgré tout, c'est assez bien fait, surtout concernant le mystère autour de la cave. Le personnage de l'oncle est bien introduit, on a envie de plus le connaitre. L'auteur rajoute du mysticisme artificiellement avec une histoire de secte qui a peu d'intérêt. Bref, ça permet de tenir un peu en haleine jusqu'à la fin où le livre ébauche un univers qu'on a envie de visiter, le livre entre clairement dans une autre dimension et au moment où on a vraiment envie de continuer, ben le roman est fini.
Concernant l'écriture y'a rien de fou, c'est souvent le reproche qu'on fait à ce livre. Perso ça m'a pas choqué, je me suis jamais arrêté de lire parce qu'une phrase m'avait interloqué, c'est ni bien écrit, ni mal écrit et j'ai l'impression que Werber n'a aucune prétention la dessus, il se contente d'un style humble et c'est très bien comme ça. La dichotomie entre l'univers des fourmis et celle des humains est appuyée par un style qui diffère légèrement, même si c'est surtout grâce à un travail sérieux de recherche sur les fourmis. Le petit plus c'est les passages de l'encyclopédie, petits intermèdes philosophie de comptoir assez sympathiques qui pourraient néanmoins être mieux intégrés à la trame.
Une force du roman est sa capacité à intriquer des éléments fictionnels comme l'élevages de plantes carnivores à des fins militaires avec une recherche de fond assez poussée. Si bien qu'on a vite du mal à séparer le véridique de l'inventé, les anecdotes pourries du fan d'insecte des élucubrations maladives d'un créatif. Bien sur, il faut se rappeler qu'il s'agit de SF et éviter de le citer dans un travail de biologie sur les services secrets myrmécéen à odeur de roche.
En revanche, on tombe dans l'écueil d'une grande partie des œuvres défendant les animaux je cite : "si des extraterrestres débarquaient un jour sur notre planète, ils ne s'y tromperaient pas. Ils chercheraient sans aucun doute à discuter avec elles. Elles : les vrais maîtres de la Terre." comprenez bien : "Nous ne sommes pas égaux". J'en ai marre de ce spécisme à deux balles. Si on arrêtait de se demander qui a la plus grosse, peut être qu'on finirait par les trouver ces extraterrestres.
Arrivé au milieu du livre, ça devient assez long. OK on a compris, il faut être humble parce que les fourmis aussi ont une civilisation. Le message seul ne suffit pas à en faire un bon livre, à part ça on a une écriture banale, un suspense aussi étiré que la tronche de Madonna et une épopée de fourmis ennuyante. Dans la préface, Werber explique avoir écrit 24 versions différentes de 800 à 1500 pages. On peut tous remercier l'éditeur qui a exigé de raccourcir le récit avant publication. Heureusement, comme mentionné, la fin prend une tournure différente et bienvenue.
A mon grand regret, je ne partage pas cette fascination pour les fourmis. J'ai le sentiment qu'une fourmilière se rapproche plus du fonctionnement d'un ordinateur que celui d'une civilisation même si ça ne justifie pas d'y foutre le feu. C'est parce que l'homme développe des attributs non sélectifs comme la lecture de roman de SF moyen qu'il se détache du sauvage mais ça ne m'a pas empêcher d'apprécier l'expérience. Mais pas suffisamment pour lire la suite.
NB : C'est moi ou le résumé de la quatrième de couverture turbo spoil la fin de l'histoire ?