... mais pas "pauvres histoires".
Ceci est une vieille critique parue il y a quelques années sur mon défunt blog...
La maman de Toinou (héros du roman autobiographique d'Antoine Sylvère), paysanne illettrée, attendait chaque semaine que son fils lui lise le feuilleton qui paraissait dans le journal local. Les Misérables, d'un certain Victor Hugo. Cette brave dame serait aujourd'hui cataloguée comme "ménagère de moins de 50 ans", et sans doute téléspectatrice assidue des Experts ou de Plus belle la Vie. "O Tempora, o Mores" pourrait-on dire. Ou "c'était mieux avant". Mis à part que non, ce n'était pas mieux avant. Et que quand on se donne la peine d'offrir de la qualité à la ménagère de moins de 50 ans, elle la lit, ou la regarde encore (sauf si on la lui présente comme inabordable, en la diffusant sur Arte, par exemple. J'aime bien Arte, mais sa qualité de "chaîne culturelle" impressionne et fait fuir. Passez La Grande Vadrouille sur Arte, et il fera 3% maximum de parts de marché.)
Ce n'est pas Arte qui a rediffusé cette semaine (enfin, il y a quelques années) le film de Jean Delannoy tiré du célèbre roman. Je ne sais d'ailleurs pas combien il a fait de parts de marché. Et peu m'importe. J'ai pris plaisir à le revoir. A partager pour un après-midi les heurs et malheurs de Jean Valjean dans la France de la Restauration. Jean Valjean qui, malgré les multiples interprètes qui leui ont prêté leur visage, aura toujours pour moi les traits de Jean Gabin, tout comme Javert ceux de Bernard Blier (depuis, ils ont aussi les traits de Hugh Jackman et de Russel Crowe).
J'avais 14 ans lorsque, pour la première fois, j'ai ouvert le roman de Victor Hugo. J'en connaissais l'histoire, comme tout le monde (c'est à ça qu'on reconnaît un classique : tout le monde en connaît l'histoire sans l'avoir lu). L'histoire, ou plutôt la trame, le fil rouge, les aventures de Jean Valjean, bagnard repenti. Quel ne fut pas ma surprise, au fil des pages (que je devais découper au coupe-papier, car mon édition en huit volumes achetée en seconde main n'avait jamais été lue, ni même ouverte, et qu'il s'agissait d'une très vieille édition aux pages brunies) de découvrir non pas une, mais une multiplicité d'histoires. Autant d'histoires, de romans même, que de personnages. Celle de Marius, celle de Fantine, celle des Thénardier, bien entendu. Et celle de Monseigneur Myriel.
Monseigneur Myriel. Prêtre tel que devraient êtretous les prêtres. Evêque tel que devraient être tous les évêques. Image vivante des Béatitudes. Monseigneur Myriel, royaliste ouvert aux républicains, croyant ouvert aux athées, saint ouvert aux voleurs. Monseigneur Myriel, homme exemplaire dans une église qui ne l'est pas. Rien que pour Monseigneur Myriel, il faut lire Les Misérables. Car il fait croire, malgré tout, et par dessus tout, en la bonté humaine.