Cette édition contient deux longues nouvelles du maitre de Providence, deux étapes importantes quoique assez difficiles d'accès du « Mythe de Cthulhu » et qui ont comme point commun l'aventure archéologique...

Les Montagnes hallucinées (1931):
Nouvelle fondamentale dans la mythologie de Lovecraft... et malheureusement d'une lourdeur presque rédhibitoire. Comme c'était déjà le cas avec "L'Appel de Cthulhu", l'écrivain se révèle presque incapable de concilier une structure informationnelle avec un véritable plaisir de lecture. Si, en plus, je vous dis que la nouvelle est presque aussi longue que "L'Affaire Charles Dexter Ward" et que c'est bien dommage puisque Howard ne maitrise guère le format long, vous comprendrez aisément qu'on se retrouve face à un texte délicat: vous ne pouvez pas faire l'impasse dessus... mais vous risquez de vous faire chier comme moi. Indispensable à la lecture parce que le Mythe de Cthulhu fait un énoooorme bond en avant. Cette fois, les protagonistes de l'histoire découvrent carrément qui sont les Anciens et toutes les créatures dégueulasses qui hantaient les nouvelles précédentes (et auxquelles il est fait de subtiles allusions, surtout à "Celui qui chuchotait dans les Ténèbres"). Mais cette passionnante explication historique se fait... via le déchiffrement de kilomètres de gravures par deux scientifiques héros de l'histoire. En effet, en pleine exploration du continent Antarctique, des universitaires d'Arkham ont découvert une cité datant de plusieurs millions d'années et dans laquelle se trouvent les secrets de nos origines... et de nos créateurs, peut-être bien toujours dans les environs.

Quel dommage qu'une idée de départ aussi excellente s'enlise dans une description d'une méticulosité telle qu'elle en devient pratiquement illisible ! Plus maniaque qu'un Tolkien en manque de pipe, Lovecraft fait littéralement exploser son impressionnante érudition pour nous proposer un récit que l'on jurerait parfois être un véritable document d'exploration. La somme des détails est ébouriffante et étonnante (comment l'auteur pouvait-il en savoir autant sur la manière de mener des expéditions scientifiques en Antarctique dans les années 30 ??) mais ce qui aurait du démultiplier l'immersion finit au contraire par faire sortir le lecteur de la narration. Quelques excellentes pages sont noyées dans des kilomètres de stagnation descriptive plus efficace qu'un bon somnifère.

Lire cette histoire une fois est une obligation, ne serait-ce que pour assister à la véritable naissance du conte d'épouvante matérialiste qui parvient à nous faire douter: Lovecraft a-t-il bien écrit du fantastique ou bien était-ce un genre de science -fiction depuis le début ? Un mélange des genres qui tient du génie. Relire "Les Montagnes hallucinées", par contre, est de la pure folie. Regardez plutôt une énieme fois "The Thing" de John Carpenter qui en est une brillante adaptation, avec un sens de la narration autrement plus maitrisé.

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Dans l'abîme du Temps (1935)
Nouvelle tardive dans l'oeuvre de Lovecraft, « Dans l'abîme du temps » ne se prive pas de distiller quantités de clins d'oeil au Mythe, pour le plus grand plaisir du connaisseur. Cette fois, nous faisons connaissance avec la Grand Race, peut-être bien les entités les plus « bienveillantes » de tout l'univers de H.P. Affamées de découvertes, ces dernières explorent l'Espace et le Temps afin de mettre à jour une gigantesque bibliothèque ayant pour but de sauvegarder la totalité des connaissances universelles. Clairement pas des petites bites...

Seul souci, ces étranges voyages temporels réclament de procéder à un changement corporel auquel va pouvoir goûter le valeureux héros bodybuildé de cette histoire (en fait un énième rat de bibliothèque tout maigrichon comme les affectionne Lovecraft...) Cette première partie est à mon sens la plus intéressante puisqu'elle nous permet de découvrir petit à petit tout une civilisation préhistorique comme si on y était ! On rencontre même la Grand Race au temps de sa splendeur, ensemble d'entités coniques aussi moches que fascinantes. Les descriptions sont saisissantes et l'imagination de l'auteur sait varier les plaisirs en nous parlant de splendeur, d'ordre, d'intelligence et de végétation tropicale. On en aurait voulu plus ! Hélas, la deuxième partie, est un peu plus morne...

On revient effectivement à une exploration archéologique qui est pour moi le point faible du style lovecraftien depuis « Les Montagnes hallucinées », c'est à dire qu'on se retrouve face à un rapport aussi réalistement décrit qu’assommant. Les descriptions couvrent des pages entières, bardées de détails qui finissent par desservir l'atmosphère de terreur que l'on est en droit d'attendre, au point de faire oublier au lecteur la menace pourtant toujours toute proche. A mille lieue des descriptions de temples des récits d'Howard (auteur de Conan), flamboyantes et excitantes, l'exploration australienne de « l'abîme du temps » retombe à plat et offre une conclusion qui fait beaucoup de bruit pour pas grand chose... Reste toutefois une excellente première partie qui nourrira bien davantage l'imagination du lecteur amoureux de cauchemars alambiqués.
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En définitive, je ne conseillerai pas ce recueil à quelqu'un qui voudrait découvrir l'univers de Lovecraft. L'ampleur et la rigueur descriptive des nouvelles choisies aura de quoi en dégouter plus d'un. Mieux vaudra dès lors tenter les excellents « Je suis d'ailleurs » ou « La couleur tombée du ciel ». Ceux qui voudront parfaire leurs connaissances necronomiquesques, par contre, pourront se jeter sur ce livre sans soucis.

Ma critique de l'intégrale: http://www.senscritique.com/livre/OEuvres_de_H_P_Lovecraft_tome_1/critique/7234570
Amrit
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le 28 nov. 2014

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Amrit

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