Etrange, inquiétant, délirant... et daté
Sur le fond, Les Montagnes Hallucinées rentre dans les standards de ce que l'on attend chez Lovecraft : l'irruption de l'irrationnel, de la peur et de la folie dans un univers par contraste très concret, pour ne pas dire scientifique, le tout étant sous-tendu par la solide mythologie qu'il a laissé à la postérité (les Anciens, les Shoggoths et les autres races venues de l'espace ; le Nécronomicon et autres références littéraires du parfait occultiste, la mention de Chtulhu, du R'Lyeh (quand même)... ).
Sur la forme, c'est vraiment plus difficile pour le lecteur contemporain. C'est lourd, désespérément scientifique, rempli de descriptions interminables, d'une précision obsessionnelle et ça manque cruellement de rythme, surtout pour le récit éponyme. Pour donner une idée, on pourrait imaginer un roman écrit par Jules Vernes sur une idée d'Edgar A. Poe en dépression sévère et relu par Balzac ! Pour autant, certains passages, à force de suggestion et de non-dit qui titillent notre fibre irrationnelle et chatouillent nos peurs archaïques parviennent à créer une vraie tension psychologique, ce d'autant qu'on se met dans les conditions adéquates (seul dans la pénombre le soir après minuit plutôt que dans la cohue du métro). C'est encore plus vrai pour le deuxième récit du livre, Dans l'Abîme du Temps, bâti sur une idée plus sympa (l'échange de corps comme vecteur du voyage temporel), moins soporifiquement pseudo-scientifique et doté d'un véritable suspens.
Pas le meilleur Lovecraft je pense mais une porte d'entrée honnête pour qui veut découvrir l'auteur.