Je n'ai découvert Blacksad que récemment, alerté par le bruit qui a entouré la sortie de ce quatrième opus de la série. Si j'ai pris le temps de lire les albums "dans l'ordre", je n'ai donc pas eu, comme la plupart des fans de l'inspecteur félin, à vivre la difficile attente, chargée d'espoir et de crainte, de ce nouvel album. C'est probablement ce qui m'autorise à noter aujourd'hui cette BD la tête froide, car j'aurais sans doute, dans le cas contraire été du nombre des "casseurs" (à 3-4) de l'album.
Car ce quatrième album, s'il n'est pas obligatoirement le plus mauvais de la série, est sans conteste celui qui révèle le plus crument ses défauts.
En tout premier lieu, il s'agit de toute évidence du moins soigné. Ce qui me parait une chose grave. Je suis en effet de ces "faux" amateurs de BD qui pensent (beaucoup me diront à tord, je sais) qu'une bande dessinée doit être aussi excellente sur le plan du fond que de la forme, c'est à dire un hybride littéraire et pictural parfait. C'est, entre autres, ce qui m'empêche d'apprécier à sa juste valeur la très inventive bande dessinée française contemporaine qui de Sfar à Trondheim, en passant par tout ce qui sort de chez Dupuis m'agresse invariablement l'oeil. Ceci dit, on comprendra que le trait qui s'épaissit, le niveau de détail qui s'affaiblit et la mise en couleur qui s'affadit aient notablement altéré mon plaisir de lecture.
Le deuxième point noir est encore plus existentiel. L'impression d'imperfection et de superficialité que j'avais eu à la lecture des premiers volets de la série, rapidement gommée par la qualité graphique, la cohérence de l'univers et l'ambiance globale s'est malheureusement précisée à la lecture de L'enfer, le silence et n'a, à mon avis qu'une seule véritable origine : le respect forcené du format franco-belge et de ses 54 planches qui ne peuvent mathématiquement permettre de développer à la fois un univers travaillé (comme c'est le cas à chaque album, ici la Nouvelle-Orléans de la première moitié du 20e siècle) et une intrigue policière fouillée. Du coup, l'accent est encore une fois mis sur l'ambiance et l'on a l'impression de passer brutalement de l'introduction à la conclusion autour de la page 40, sans avoir vraiment eu droit à un développement digne de ce nom.
Qu'ils soient liés à des contraintes éditoriales, à une diminution de l'intérêt des auteurs pour leur série ou à un attachement un peu délirant aux canons d'un genre qui a fait son temps (la BD à la Spirou), ces deux points noirs ne suffisent pas encore à entacher gravement le plaisir ressenti à la lecture de cette quatrième aventure de Blacksad, mais sont à mon sens des signes de mauvais augure pour la suite de la série.
A suivre donc...