Les morts ont tous la même peau est une de ces œuvres violentes qui nous surprennent pas leur apparente simplicité. J'avoue que je me suis fait avoir par l'auteur, Boris Vian. Quand je l'ai commencée j'y ai vu des similitudes avec son premier roman publié sous le nom de Vernon Sullivan, J'irai cracher sur vos tombes. Déjà par les thématiques : un homme à la peau blanche mais aux origines métissées, qui n'accepte pas le poids de ses racines familiales, jusqu'à tomber dans une spirale de violence incontrôlable. Puis j'y ai vu une autre référence, même pas cachée, car dévoilée dans la fausse postface écrite par Boris Vian, s'annonçant comme le traducteur officiel du livre : Raymond Chandler. L'héritage de Chandler y est évident : la façon d'écrire vulgaire, le style de roman noir à l'américaine, se déroulant d'ailleurs aux Etats-Unis, avec un homme baraqué qui se tape de nombreuses nanas facilement, qui sont d'ailleurs elles-mêmes pas mal délurées. Ici on est loin des beaux quartiers, on fréquente les bas fonds de New-York.
Là où le travail de Vian est selon moi très intéressant, c'est d'avoir su insuffler un aspect psychologique à son œuvre. Il montre comment Dan, le personnage principal, à force de côtoyer le sordide va devenir complètement hors de raison et s'engouffrer dans de regrettables actions. Mais ce n'est pas le plus captivant. Il y a également d'autres aspects non négligeables, encore en lien avec la psyché du personnage. Tout d'abord, il est évident que cette histoire parle avant tout de racisme : tout d'abord comment il est vécu, la difficulté d'être noir en Amérique et particulièrement à cette période là, et ce même quand ça ne se voit pas. Cela induit en outre le rejet de ses origines par le personnage principal, et la peur que son secret soit découvert.
Mais là où se concentre le cœur du livre, c'est également dans son aspect critique du machisme et de la masculinité toxique. En effet, Dan sera amené à faire des actions en rapport avec sa masculinité, et il montre lui-même plusieurs fois qu'il a vraiment un problème avec cela. Par exemple, n'oublions pas qu'à un moment donné il se vexe car sa femme Sheila, comme il ne la désirait plus, en est arrivé à se faire du bien toute seule. Et cela ne lui plaît pas. On découvre également plusieurs contradictions dans son comportement et ses pensées, que je ne vais pas expliciter pour ne pas trop spoiler le roman.
Bref, pour conclure, je dirais qu'il ne faut pas hésiter à lire ce livre, assez court, mais bien écrit, intéressant par son aspect psychologique, et qui nous fait nous poser des questions sur les comportements toxiques de certains. Et surpasser le côté apparemment vulgaire et superficiel que l'on y accorde de prime abord.