Les cliffhangers de la cité

Voici un vrai classique, une œuvre monumentale qui a marqué son époque et changé son temps. On dit que tout le monde s'arrachait les nouveaux épisode de ce feuilleton qui sortait hebdomadairement, au point que les illettrés se faisaient lire ces aventures et que l'on écrivait à Eugène Sue pour qu'il reprenne le travail lorsque, malade, sa livraison avait du retard.
Et cela est bien vraisemblable, car ce qui est marquant dans ce long roman c'est l’extrême maitrise du suspense et de la narration, ou chaque chapitre s’arrête invariablement sur un coup de théâtre. Forcément l'histoire semble un peu artificielle, on a parfois l’impression que Paris se résume à 40 habitants au vu des coïncidences incroyables qui font que toutes ces vies se rencontrent. On se dit souvent que les personnages sont trop manichéens: il y a des bon, des mauvais, et parfois des repentis. Mais à la façon d'une mécanique shakespearienne bien rodée, chaque élément de l'intrigue est un rouage d'une immense machine narrative qui fonctionne sans accroc. Le style est agréable, l'argot est truculent (même si il est plus présent au début), et les personnages sont attachants.
On dit aussi qu'Eugène Sue est devenu un éclaireur du socialisme à venir et un prophète Commune, en s'immergeant dans le peuple pour trouver la matière de son œuvre. En effet, on voit arriver le long des ces pages quelques pamphlets bien disséminés sur des thèmes sociaux, aujourd'hui classiques, à l'époque, visionnaires : une ébauche de communisme apparait dans la description d'un phalanstère utopique, on aborde l’égalité des sexe, des ethnies, les aides sociales, la condition des détenus, la peine de mort, les inégalités face au système judiciaire en fonction de son origine sociale, et bien sur, la condition prolétaire.
Malheureusement je n'ai pas trouvé ce que je venais chercher dans ce roman : des mystères, l’ésotérique et le fantastique sont à peine ébauchés avec un personnage clairement du coté des méchants, et un beau tableau de Paris, la ville et l'architecture ne sont traité que sporadiquement. Malgré tout, je n'ai jamais pu lâcher ce livre, et j'étais forcé de toujours tourner la page pour connaitre la suite des aventures.
Un classique français, et une leçon de suspense !