11eme roman de Pamuk, et 4eme après son prix Nobel, publié 5 ans après La femme aux cheveux roux, Les Nuits de la Peste est un long roman de 683 pages dans sa version originale française traduite par Julien Lapeyre de Cabanes. Pour dire quelque chose de la traduction, mais c'est peut-être du à la version originale turque, je préfère celles de Valérie Gay-Aksoy que celle-ci qui était la première que je lisais de Julien Lapeyre de Cabanes. Je la trouve plus fluide et plus élégante. Mais comme je l'ai dit, c'est peut-être le livre en lui-même.
Donc Pamuk décide d'écrire un livre sur une ile de la méditerranée qui s'appelle Mingher où il y aurait la peste à la fin du XIXe et début XXe. Coïncidence curieuse, il en débute la rédaction avant la pandémie de COVID. Seulement vous ne trouverez sur aucune carte cette ile de Mingher qui est sortie tout droit de l'esprit de Pamuk. Mélange entre Rhodes, la Crète, Chypre et peut-être aussi Büyükada, cette ile au large d'Istanbul où réside l'auteur une partie de l'année, Mingher a en commun avec ces iles d'avoir été tour à tour grecque, ottomane, italienne ou anglaise avant d'obtenir son indépendance.
À travers ce microcosme, il nous raconte finalement par le biais d'un "double littéraire" la révolution qui mena à la République fondée par Atatürk. Le Commandant Kamil étant en effet le double littéraire du Pacha Kemal, notamment. Nous avons une alternance de vraie Histoire de la chute de l'empire ottoman avant l'avènement de la République et de "vraie histoire" - procédé qu'on retrouvait aussi dans une certaine mesure dans Cette chose étrange en moi lorsqu'il melait petite histoire de Mevlut et Grande Histoire) qui fait qu'on s'y perd un peu si l'on ne connait pas sur le bout des doigts l'histoire de l'empire Ottoman et des débuts de la Turquie moderne. Mais là n'est pas le problème. Le réel problème de ce livre, ce sont ses lourdeurs, dues en grande partie à ces redites - comme ça avait déjà été le cas dans une grande partie du Musée de l'innocence, et comme je l'avais signalé ici - mais pas seulement. À vouloir jouer à nous faire croire à quelque chose de vrai, ou plutôt essayer de rendre vrai quelque chose d'imaginaire, comme il l'avait fait aussi avec le Musée de l'innocence, il invente, insiste et appuie sur ses inventions, et il rabâche ensuite ces "faits historiques" imaginaires par l'intermédiaire du personnage de l'historienne qu'il créée pour encore une fois prétendre que ce n'est pas lui qui a écrit ce livre.
Le début est extremement lourd et ennuyeux. L'histoire met du temps à se mettre en place - hommage à La Peste de Camus, livre beaucoup plus court que je n'ai à ce jour par encore réussi à terminer ? -. À la lourdeur, succèderont le tragique et le macabre, de quoi vous foutre bien le cafard, quelques descriptions/digressions historiques qui ne seront pas dénuées d'intérêt pour ceux que l'histoire ottomane intéresse. Il nous vendra également une enquête policière sur fond de peste - pour cela regardez plutot la serie La Peste -, mais le résultat est bien au dessous de Mon Nom est Rouge (dont le dénouement n'était pas non plus bluffant), faisant même référence et appel au personnage de Sherlock Holmes sans qu'il y ait un tant soit peu le début d'une structure narrative propre à une enquête avec un minimum de suspense et de révélations fracassantes. Enfin, nous assisterons à une "mini-révolution", modèle réduit de celle qui se produira quelques années plus tard dans la réalité. Là on sombre dans le grotesque et dans la farce, et on a droit aux quelques passages un peu drôles et divertissants du livre.
Au final le roman est d'une lourdeur et d'une platitude extraordinaires et j'ai eu toutes les peines du monde à arriver jusqu'au bout, même si je l'ai fait par respect pour le travail passé de l'auteur. C'est un des nombreux exemples de livres avec une très bonne idée de départ, mais qui n'est pas bien exploitée et qui finit assez rapidement à tourner en rond - ce qu'on se doit de faire lorsqu'on est sur une ile me direz vous ! Les personnages sont assez plats et fades, on ne s'y attache pas comme dans ses précédents livres (seul le personnage du gouverneur a su tirer de moi un nombre minimal d'émotions). Prochain sur la liste ? Le Livre Noir dans lequel je place de grands espoirs !
Note 5 ou 6. Je ne suis pas encore sur. J'ai encore besoin de digérer tout ça mais c'est clair que c'est le plus mauvais livre de Pamuk que j'ai lu jusque là.