Si le roman est un marathon, la nouvelle est plutôt réservée aux sprinters (quand elles est très courte) ou aux athlètes de demi-fond (quand elle frise les cinquante pages). Laurent Gaudé, dans Les oliviers du Négus, ressemble à ces coureurs kenyans (ou éthiopiens, pour rester en phase avec le titre de son livre), c'est à dire capable de partir vite, de temporiser s'il le faut, d'accélérer, et de finir à fond dans la dernière ligne droite. Et cela, avec son style touffu et luxuriant et ses thèmes noirs comme la suie, soit la mort et la guerre, rien de moins. Quatre récits composent Les oliviers du Négus. Très différents sur le fond, les époques changent, mais l'écriture reste, habitée, rythmée jusqu'à l'épuisement des mots. Chaque lecteur aura ses préférences, parmi ses nouvelles. La plus belle est la première, évocation d'un personnage des Pouilles, ancien soldat de la conquête de l'Abyssinie. La seconde, qui se déroule du temps de l'Empire romain est plus forcée, presque caricaturale de la manière gaudéenne. La troisième est un petit film d'horreur, un golem qui s'incarne dans les paysages d'Artois, en pleine guerre 14. Un chef d'oeuvre, que ce texte qui raconte l'affrontement entre des hommes debout et un être de boue. La dernière, est le récit d'une mort programmée dans une Sicile gangrenée par les forces mafieuses. Fascinante, quoique peut-être plus convenue, rappelant les thèmes des films de Francesco Rosi. Liées par une atmosphère funèbre, ces quatre histoires ont en commun une force évocatrice peu commune, souvent sur le fil du rasoir de l'emphase précieuse, mais au pouvoir tellurique proprement ébouriffant.