Les paravents est une pièce qu'il est assurément difficile d'appréhender. Elle est énorme et éparse car composée à l'instar des costumes faits d'un enchevêtrement d'étoffes bigarrées, clinquantes et disparates, d'une pléthore de personnages, de décors et de strates de sens qui s'emmêlent dans un joyeux et macabre carnaval. Plus on avance et plus les fameux paravents se multiplient croisant sans cesse les différents mondes qui cohabitent dans la pièce. Les parias de la société algérienne, Saïd, sa mère et sa femme Leïla, les putains du bazar, les rebelles, les colons, l'armée française et le monde des morts, d'abord séparés chacun dans son tableau (la pièce étant divisée en seize tableaux), puis se mélangeant d'une manière de plus en plus confuse et fascinante en même temps. Au cœur de cette guerre d'Algérie que Genet a volontairement mis le plus à distance possible, tant son message était plus trouble qu'une dénonciation des horreurs des affrontements, on saisit les brides chaotiques des complots, des pleurs, des violences, des oraisons, des rires ... qui animent la quasi centaine de voix de sa pièce. Exubérante et provocatrice, cette tragi-comédie-histori-burlesque (vous pouvez continuer à votre tour d'enfiler les termes comme des perles) drag-queen, sera une expérience désagréable pour de nombreux lecteurs, tant on peine souvent à s'y retrouver dans cette sombre déconnade. Et pourtant, quelle audace !