Quelques années après Les Éclaireurs, le deuxième volet de la trilogie d'Antoine Bello qui avait vu Sliv Darthunghuver accéder au conseil d'administration du Consortium de falsification du réel, on retrouve l'Islandais et ses collègues toujours occupés à influer dans l'ombre sur le devenir de notre monde. Après avoir œuvré pour l'élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis, le désormais quadragénaire collabore avec sa rivale-mais-néanmoins-target-sentimentale Lena pour monter et réaliser, grâce à une impressionnante orchestration médiatique, un énorme « dossier », celui d'une tribu maya baptisée Chupacs qui aurait imaginé il y a plus d'un millénaire un mode de gouvernance idéal basé sur la concorde entre tous les individus...
Dans Les Producteurs, qui conclut la saga entamée avec Les Falsificateurs en 2008, Bello en profite pour mettre son propos à jour par rapport à l'Internet, qui a rendu pratiquement obsolète la presse traditionnelle, et donc tout ce qui touche à la falsification des documents papier. La façon moderne d'influer sur l'opinion publique via les réseaux sociaux est très bien mise en lumière, de même que les théories sur la propension de notre mémoire à fabriquer des histoires qui nous arrangent plutôt qu'à retenir la vérité factuelle. Comme dans les deux premiers livres, les thèses de l'auteur gardent toute leur force et leur intérêt.
En revanche, et c'est là que le bât blesse, les personnages manquent cruellement d'épaisseur et ne suscitent qu'un minimum de sympathie et d'identification. Par exemple, les discussions « hors boulot » entre Sliv et Lena sont d'une banalité affligeante, presque insupportable, et diminuent grandement le plaisir de cette lecture, qui s'avère en définitive plutôt dispensable.