Au début, tout va bien. Façon de parler, évidemment, mais nous sommes en terrain relativement connu, une réalité hélas devenue ordinaire, puisque le narrateur de Les renards pâles est sans emploi et désormais réduit à élire domicile dans la voiture d'un ami. Un cousin de Louis Wimmer ? Pas du tout. D'emblée, le "héros" du roman de Yannick Haenel se pose comme un réfractaire volontaire au système, candidat volontaire au suicide social. Bon. On accepte sans rechigner ses diatribes contre l'ultralibéralisme et la servilité des masses, pressées comme du jus de citron, et tristement résignées. Changement de décor dans la seconde partie du livre : la révolte gronde dans Paris et Haenel tricote alors une fable pamphlétaire dont on peut comprendre les intentions, plutôt pertinentes sur le fond, et écrite dans un style très efficace. Seulement, à vouloir jouer la provocation anarchisante et nihiliste, à amalgamer tous un tas de récriminations, le livre en devient un objet bilieux et sans nuances, dont le manichéisme se fait de plus en plus oppressant. Et péché pire encore : Les renards pâles provoque in fine un véritable ennui alors qu'il pose de vraies questions sur l'identité, la liberté et le pouvoir.