Je viens de finir ce 6e tome du cycle des robots, après avoir lu les cinq premiers d'une traite (j'ai donc encore pas mal de choses en tête) et alors que je n'ai pas lu les autres cycles. Et je dois dire : "Wahou, ça me botte !" Ca laisse présager de tout un tas de bonnes choses par la suite que je suis friand de le découvrir.


Le synopsis je ne vais pas le refaire, je parlerais plutôt du livre vis à vis du cycle en général et de mon sentiment à son égard.


Tout d'abord, il faut remarquer que ce tome est d'une composition différente des cinq autres. Pour rappel, les deux premiers sont constitués de petites nouvelles séparées qui forment comme un prélude aux robots. Je ne les avais pas trouvés d'un intérêt majeur, bien que tout à fait lisibles et globalement appréciables. Les trois suivants nous racontent l'histoire d'Elijah Baley lors de ses enquêtes policières sur trois mondes différents, où l'on apprend aussi à connaitre le fameux R. Daneel Olivaw, personnage brillant de ce cycle. J'avais adoré, particulièrement Sous les feux du Soleil.


Pour ce sixième tome, Daneel et son ami robot Giskard le télépathe font face à un complot contre la Terre et ses habitants et on suivra leur péripéties sur plusieurs planètes. En effet nos héros positroniques se baladeront sur pas moins de quatre planètes différentes, avec quelques scènes dans l'espace. C'est un élément tout à fait nouveau dans le cycle, et il s'en faut de peu pour faire de l'oeuvre un véritable space opéra en bonne et due forme, faute de rythme, d'action et de drame. Et si je dois faire un et un seul reproche au livre, c'est justement ce combot qui manque, ce petit chouia qui donnerait assez de grandiloquence pour en faire une oeuvre gigantesque. Alors allons y pour les reproches...


La dimension dramatique tout d'abord, est disponible au vu de la situation de divers personnages, mais n'est pour ainsi dire pas exploitée. A plusieurs reprises l'auteur à la possibilité de véritablement saisir le lecteur dans un moment grave mais n'en fait presque rien. C'est particulièrement vrai de la relation entre DG et Gladia, dont on sent qu'elle se confond entre amour et respect, entre passion et devoir (un terrain propice au drame lorsque les deux personnages n'ont pas les même buts) mais qui ne prend tout à fait forme. Le drame reste à l'état latent. J'aurais aimé voir, par exemple, une interaction forte avec Gladia lorsque DG décide de foncer droit sur le vaisseau aurorien (Gladia est presque totalement mise de côté dans cette scène alors que c'est pour elle qu'il choisit cette option), ou un peu de plus de sentiments de la part de DG lorsque Gladia fait un discours tonitruant face à une foule en délire.


L'action ensuite, existe bel et bien mais n'est une fois de plus pas totalement exploitée. On nous explique que les mondes spaciens sont des mondes ultra civilisés où la violence n'existe pas, et les mondes coloniens sont quant à eux des mondes héritant de la barbarie terrienne. Ces deux facettes de l'humanité sont connues depuis les tomes précédents, mais ne se heurtent que très peu dans le présent tome, c'est-à-dire qu'elles sont mis en opposition dans la théorie, dans les nombreuses discussions, mais quasi pas dans la pratique, dans les scènes d'action. Or l'auteur avait là l'occasion parfaite pour mettre tout ça en scène puisque le point final se passe justement sur la Terre, origine de toutes les cultures et de toutes les oppositions. Par exemple, je regrette qu'il n'y ait pas eu de véritable mouvement foule sur Gladia, pour marquer de manière forte l'opposition entre claustrophilie et agoraphobie déjà présente dans "Sous les feux du soleil", et ce dans le sens inverse de ce livre quand Elijah se retrouve seul face à un monde ouvert qui refuse le contact humain. Ca aurait donner un certain relief au récit, un rappel du thème, une consistance cohérente. Mais aussi, je regrette que Mandamus et Amadiro n'en soient pas venus à se battre à mains nus lorsqu'ils se trouvaient sur Terre : montrer comment ces deux personnages peuvent oublier leur éducation non violente lorsqu'ils ne sont plus sur leur planète d'origine et qu'ils n'ont plus de robot à côté d'eux pour retenir, justement, leur mauvais côté. D'autant que Amadiro fait clairement montre d'une férocité contenue alors que Mandamus semble avoir eu de l'empathie pour les terriens. On pouvait alors imaginer n'importe quel rebondissement lors de cette éventuelle empoignade, ce serait passer comme du beurre mais on n'y aura pas droit.


Et pour finir le rythme. Car oui le rythme est un peu flageolant. Certaines scènes trainent en longueur, notamment ces dialogues entre personnages. Et à ce sujet il y a matière à dire, et je me permet une petite digression pour mieux me faire comprendre...


Après avoir lu les six tomes du cycle, je constate que beaucoup de personnages ont une manière très similaire de s'exprimer. Ils ont presque tous sans exception cette même façon de poser leurs idées, point par point, étapes par étapes, en précisant leurs motivations (réelles ou inventées), en anticipant les réponses de l'autre, en cherchant leurs points faibles. Comme si chaque discours devait trouver son point d'orgue de manière réfléchie, structurée, irrévocable. Presque aucun personnage ne réagit sous l'impulsion. J'y vois là une marque directe de l'esprit de l'auteur lui-même, comme si c'était lui qui parlait. On peut considérer que ça dessert ces oeuvres (manque de diversité dans le caractère des personnages, de versatilité dans son imagination, présence d'une certaine lourdeur), où au contraire que ça renforce ses récits par son style. Je considère que les deux facettes ont leur part de vérité. Ceci dit, revenons donc aux fameux dialogues du livre...


Beaucoup regretteront par exemple les longues réflexions (dans ce style Azimov que je viens de décrire, si vous suivez toujours) entre les deux robots Daneel et Giskard. Pour ma part, je ne les trouve pas du tout ennuyeuses. Au contraire, le style Asimov prend là une saveur particulière qui n'avait pas lieu avec des êtres humains, s'agissant de robots qui disposent d'un cerveau positronique programmé selon les Trois Lois. La progression de leurs réflexions, si lente soit-elle, se justifie complètement par le blocage que représentent ces mêmes Trois Lois. A mon sens, la volonté de Daneel de surpasser ces lois pour en reprogrammer une nouvelle sous-jacente dans son propre cerveau, la Loi Zéro, est un élément tout à fait épique du récit. Le robot frôle d'ailleurs à plusieurs reprises une auto-destruction, tant sa volonté est forte de se reprogrammer pour mieux servir les Trois Lois (et surtout la première). Et c'est là un dilemme extreme. Ses efforts se veulent d'un libre arbitre qu'il ne comprend pas lui-même, qui nous semble à nous humains à la fois si naturel à défaut d'être rationnel et si complexe à appréhender, que je me suis vu frissonner à l'idée de le voir se débattre dans ses méandres positroniques. Et c'est là je trouve le principal sujet et intérêt de ce tome : le dépassement de soi, de sa propre "programmation" (on appellerait probablement cela "culture/éducation" pour un humain).


Par contre comme je l'ai dit plus avant, les échanges des différents humains finissent effectivement par me lasser quelque peu, tant ils se ressemblent dans leur construction. Leurs esprits sont comme taillés dans le même moule. Mandamus a toujours cette habitude à vouloir convaincre son auditoire, de même que DG et le capitaine du vaisseau aurorain, qui n'a pourtant qu'un rôle très secondaire. Et il en allait de même concernants presque tous les personnages importants des trois opus précédents.


Malgré cela, comme je l'ai dit dès le départ, ce livre est une très belle oeuvre pour ceux qui ne rebutent pas sur le style Asimov de ce cycle.

Oatagaok
8
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le 23 mars 2017

Critique lue 354 fois

Oatagaok

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