Au-delà de l'enquête policière parée d'une aura mystérieuse aussi brumeuse qu'une route de campagne un matin d'hiver, Les salauds devront payer attaque surtout de front le passé industriel du Nord de la France et les cicatrices encore visibles qui ornent son territoire de nos jours. (Petit aparté pas totalement hors sujet avant d'attaquer, bah.. le vif du sujet justement ! Je tiens à applaudir de mes six mains l'auteur pour avoir réussi à inventer un nom de ville qui fleure bon la brique : Wollaing.) Il s'intéresse particulièrement aux conséquences sur les cheminements des individus, une quantité impressionnante de personnages vont défiler pour offrir un portrait complet et réaliste de la population, et y mêle une pointe d'histoire collective, avec notamment les fermetures d'usine ainsi que les luttes syndicales qui s'en suivent. Les prises de position de chacun dans ces faits passés ont une incidence dans le présent. Il ne s'agit d'ailleurs pas forcément seulement de faits datant des années 80, Grand remonte jusqu'au guerre d'Indochine et d'Algérie, qui ont à leur façon modelé la mentalité d'une certaine génération. Même ceux qui s'en sortent bien ne le font pas sans perte et fracas, pour les moins bien lotis la misère leur tend les bras et se transmet à la génération suivante. La question de l'argent est centrale, dès le début on y parle du prêt d'argent en dehors des circuits bancaires et du pouvoir de domination qu'exercent ce bifton sur tout un chacun. Bref, je lis très peu de policier mais j'avoue avoir été conquise par cette plongée dans la crasse humaine, exhaussé par le doux fumet des bonnes vieilles frites doublement cuites du Nord (ça y est, j'ai faim) !