Après un premier roman qui a fait son p’tit effet auprès des ménagères, il semblait évident d’aller capitaliser (il aurait même été bête de s’arrêter de si bonne lancée). Et paf, un deuxième volet des aventures de Millie Calloway a vu le jour, au titre bien moins sobre que son prédécesseur : Les Secrets de la femme de ménage.
Un titre déjà mensonger puisque tous les secrets de l’héroïne nous ont été dévoilé dans le premier opus, bon passons…
Le véritable challenge du bouquin était de passer derrière La Femme de ménage, qui avait posé des bases solides à exploiter pour de potentielles suites, aussi bien sur le fond que sur la forme. Et ça pose déjà un sacré dilemme pour cette suite : doit-elle marcher dans les traces de la première où choisira-t-elle de s’en affranchir pour surprendre le lecteur. Freida a fait son choix et voici ce qu’il en résulte.
Le prologue est toujours là histoire d’essayer de nous mettre en haleine (quelque chose qui ne fonctionne pas beaucoup sur moi je dois bien avouer). Être plongé direct dans l’action façon « Vous voulez savoir comment j’en suis arrivé là ? » pour m’envoyer une page plus tard dans le vrai commencement… mouais. Cependant il faut bien avouer que cette fois-ci, cette brève parenthèse introductive est doublement maligne, et témoigne d’un vrai savoir-faire de notre psychologue écrivaine pour la duperie. Un petit bonbon qui ne fonctionnera uniquement que sur papier (oubliez donc cet effet pour une potentielle adaptation cinématographique, parce que le premier est sur le point d’être adapté alors pourquoi pas le deux à l’avenir).
Pour autant, il s’agit là d’un cadeau empoisonné. Un effort qui trahit malheureusement une structure que l’on reconnaît déjà, et qui annihile très vite tout suspense. Vous pouvez donc deviner quel réponse a été adoptée.
Il est quasi sur que le livre se découpera en trois parties, que la seconde se penchera sur l’autre personnage féminin que doit aider Millie, et que cette présumée victime est certainement plus intelligente qu’elle ne le laissait penser. Et la troisième sera un retour au présent, climax qui aboutira à la fin de l’histoire.
Et c’est effectivement le cas. Autant vous dire que si on suit la partie Millie avec intérêt (bien que le pire motif chopé de Breaking Bad a le don de m’user), celle qui la suit est beaucoup plus compliquée. On a déjà donné en 2022, on connaît la combine, sauf qu’ici plus spécifiquement (et c’est la seule chose qui ajoute de la valeur ajoutée et qui la différencie de son homologue), on nous propose le point de vue du véritable antagoniste. Ses raisons sont inexcusables, et donc pas d’empathie, et donc calvaire de supporter ses observations. Et donc calvaire à lire.
Une bonne idée sur le papier qui dans la pratique s’annonce comme l’exact inverse.
À croire que la formule montre déjà ses limites dès deux volumes (hâte de voir si le 3 réussit à me faire mentir).
Ce qui est dommage, c’est que cette recette éclipse toutes les belles choses que le récit a à proposer et apporte en plus de nouvelles lacunes.
Le personnage de Millie (réputée pour son instinct et son expérience) se fait avoir comme une bleue, rouler dans la farine, selon les besoins du scénario (un comble quand on apprend ce qu’il s’est passé dans le premier volet et ce qui se passe entre celui-ci et le deuxième volet). Millie devrait savoir mieux que quiconque que les apparences sont parfois trompeuses. Il apparaît donc totalement contradictoires qu’elle se permette certaines réflexions intérieures.
Les fusils de Tchekhov et les divers retournements sont toujours bien amenés et planifiés (on ne peut pas le nier) mais sont atténués par la structure… si prévisible de par sa redondance qu’elle ne fait plus effet et désamorce chaque cartes jouées par le scénario.
L’arène scénaristique et le pitch en lui-même me semblent beaucoup plus intéressants sur le papier que sur le coup d’essai mais une fois explorés, il s’avère que la forme rend le traitement bancal et de nombreux passages qui prônent un discours important semblent rajoutés au forceps et donc se ressentent comme fatalement dispensables jusqu’à dénoter par leur simple présence (tout ce qui se passe avec Xavier).
Également, il est bien tragique de ne pas référencer explicitement la première itération, d’une part parce qu’il y avait tout à gagner pour l’auteure (de probables ventes) mais également pour le lecteur qui aurait besoin d’un recap si la première aventure peine à lui revenir en tête. Une piqure de rappel ça ne fait jamais de mal et tourner autour du pot irrite plus qu’autre chose. Quand à l’opposé on arrête pas de nous harceler avec la même info rabâchée jusqu’à l’excès, il serait temps de trouver une certaine mesure côté rédaction.
Enfin, si le premier semblait une parodie d’un certain mouvement littéraire, le deuxième semble en faire pleinement partie.
Un deuxième volet plus ambitieux, généreux, et mieux ficelé certes, mais qui n’arrive pas à se détacher d’une forme qui ne peut marcher qu’une fois. La probable future signature d’une écrivaine qui est en train de lui faire creuser sa propre tombe.