... sauf si vous aimez les livres où la romance cannibalise toute interaction sociale, et donc tout l'intérêt d'un récit. Sauf si vous aimez qu'on vous prémâche, façon bouillie, ce que vous pourriez déduire vous-même des actions et réactions des protagonistes. Sauf si vous aimez qu'on vous décrive, en long, en large, en travers et en boucles, les chevelures mirifiques des personnages plutôt que l'action...
Le livre partait avec beaucoup d'ambitions, de nombreux personnages variés, un univers avec des originalités, mais tout cela ne parvient pas à effacer ses énormes défauts :
Le style, qui n'est pas à la hauteur et qui, au-delà de la qualité d'écrivain d'Estelle Faye, montre clairement que l'éditeur n'a pas fait son travail. Le prologue est travaillé et laisse espérer un bon style mais la réalité, dans la suite du roman, n'en est que plus décevante. Des expressions toutes faites plaquées dans des circonstances où elles n'ont pas leur place, des anglicismes horribles ("sur une base assez régulière", mais sérieusement, qu'est-ce que ça veut dire ?!), et des fautes ici et là ("un geste là" - pour "las", une "barge" qui se transforme en "barque"...), tout cela laisse penser que ce roman n'a pas été relu autant qu'il aurait dû. Et au-delà, le gros souci d'ensemble est qu'on est sans cesse dans le tell et pas du tout dans le show. Tout est pré-mâché, et grossièrement, pour le lecteur. On n'a rien à découvrir, rien à imaginer, ressentir, tout nous est dit.
Les personnages sont certes variés mais ils manquent cruellement de profondeur et de cohérence (à part peut-être Maëve) : par exemple, Sainte-Etoile qui décide en un clin d’œil d'aider un type après une argumentation molle de cinq secondes... pardon mais j'ai eu du mal à prendre au sérieux sa légende après ça. Même en passant sur les petites incohérences, j'ai été déçue à chaque fois car j'ai l'impression qu'Estelle Faye essaie de construire des personnages complexes, mais ça finit en eau de boudin parce que la narration s'attache à des faits inintéressants (les vêtements des gens, leurs cheveux...), sans compter que quasiment chaque rencontre entre deux personnages clés se finit par une partie de jambes en l'air et/ou une romance d'une mièvrerie insoutenable - avec une telle exclusivité de relations gay, dans un monde qui ne semble clairement pas gay-friendly, que ça a fini par me faire rire (jaune).
Une intrigue politique qui, outre qu'elle est complètement noyée sous des pages et des pages d'émois et d'ébats amoureux (oui, j'insiste mais il faudrait vraiment savoir ce qu'on cherche là, parce qu'une fantasy épique peut vraiment se passer de roulades sous la couette et de clavicules dénudées qu'on meurt d'envie de mordiller quand ça n'apporte rien à l'intrigue !), se révèle finalement assez naïve et... inintéressante. On renverse les puissants parce qu'ils nous ont menti, parce qu'ils sont méchants, et... parce qu'on veut vivre notre romance interdite en plein jour !?
Bref, une grosse déception.