Premier roman indigeste par sa préciosité, mais assez intelligent et émouvant pour rendre curieux de
Paru en 2004, ce premier roman de Cécile Ladjali étonne par la puissance de sa thématique, qui voit un frère et une sœur, minés par leur inceste de jeunesse jamais apaisé, se haïr dans une passion pourtant commune, celle du théâtre. Le montage simultané, dans une Venise rocambolesque, du "Britannicus" de Racine par le frère et de l' "Othello" de Shakespeare par la sœur fournit le prétexte à un épilogue sauvagement apocalyptique de cette relation amour/haine emblématique.
L'élément décidément fantastique du roman, qui oscille en permanence entre tragédie et farce, tient aux deux "souffleurs", têtes sans corps au verbe chatoyant et à la mémoire sans faille, dont chacun des deux metteurs en scène ennemis dispose d'un exemplaire, et qui tomberont amoureux l'un de l'autre, précisément à Venise.
Hélas, ce premier roman est aussi largement gâché par un style où la préciosité et l'affectation l'emportent sur tout le reste, par une construction encore trop incertaine, et par une hésitation permanente pas nécessairement maîtrisée entre l'intimiste frisant parfois le ridicule, et l'épique fantastique... Si cela rend l'ensemble plutôt indigeste (sur la passion théâtrale paroxystique, je préfère de loin le remarquable "Mélusath" de Francis Berthelot), les qualités affichées sont suffisamment fortes pour rendre curieux de la suite des écrits de Cécile Ladjali, puisque son sixième roman paraîtra en janvier 2012.