Virtuose de l’assemblage des mots, Claro invente un genre nouveau, le comique dépressif et hilarant.
Pas la peine d’en parler beaucoup ici, le verbe de Claro est juste irrésistible, le mieux c’est de le citer…

Juste quelques mots de contexte sur le personnage central, une sorte d'antihéros passé au laminoir : Frédéric Léger occupe la fonction indigne de correcteur pour les pathétiques éditions en livres de management fumeux CTI (de la Convivialité Transactionnelle Interpreneriale).

«11h05… Il me reste encore quatre-vingt-neuf pages à écoper et, ostensiblement, l’auteur, l’éditeur et l’imprimeur ont du fêter ensemble quelque réforme de l’orthographe inconnue de nous autres, les travailleurs de l’ombre, les fossoyeurs d’alinéa, les bourreaux de la virgule, les sodomiseurs de muscidés, les… les payés-au-signe.»

Il est aussi "négociant en pathos", ayant le crâne encombré d’un "noir compost mental", affligé, tout comme le jeune Werther, d’un attachement aussi douloureux qu’inutile pour son ex-femme Agnès.

«Il faut dire que je suis fait d’un alliage particulier, à base de boue, de gravier, de cœurs d’artichaut et de ficelles de rôti. Un vrai arcimboldo de pacotille.»

Dans ce contexte minable, notre antihéros (parce que vite, on s'attache à ce ver de terre parisien perclus de doutes) se retrouve, à cause d’un jeu d’épreuves qu’il devait corriger et à son corps défendant, brutalement molesté et impliqué jusqu’au cou dans une intrigue politique puante aux relents néo-nazis.

«Coups de bottes, gifles exécutées avec le poing fermé, quolibets vexatoires. Bref, l’atteinte aux droits de l’homme dans tout ce qu’elle a d’irréversible. L’espace d’une mandale, je faillis protester, mais il m’aurait fallu pour cela recouvrer l’usage de la parole, lequel est largement tributaire d’un bon fonctionnement des maxillaires et des cavités respiratoires. Or j’avais tout d’un aspirateur Hoover à la von Stroheim. Esthétique mais inopérant.»

Claro sait donc tout faire ! Je n’ai rien de plus à dire, si ce n’est, lisez-le : vous rirez.
MarianneL
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le 8 févr. 2014

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MarianneL

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