Un sommet !
Difficile de donner un avis sans dévoiler d'éléments de l'intrigue. Disons que des trois premiers tomes, c'est le meilleur, à tous les niveaux. L'univers gagne encore en consistance et le lecteur...
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le 7 août 2019
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Pour ce troisième tome du cycle des Martyrs, Steven Erikson a décidé de revenir sur le continent de Genabackis. C’est donc l’occasion pour le lecteur de retrouver une bonne partie des survivants des Jardins de la Lune.
Le moins que l’on puisse dire est que le roman ne déçoit pas. Déjà par sa taille, le pavé dépasse les 1100 pages et pèse bien lourd dans les mimines. Mais surtout, le contenu est à la hauteur de l’attente que constituait la parenthèse en Sept-Cités ô combien épique des Portes de la Maison des Morts.
L’auteur nous avait habitués aux points de vue multiples et n’a pas changé son fusil d’épaule pour Les Souvenirs de la Glace. Plus que cela, les personnages suivis, connus ou non, semblent bien plus nombreux dans ce tome. Et comme à chaque fois, aucun répit n’est laissé au lecteur qui a intérêt à bien s’accrocher pour cerner et (re)connaître les différents protagonistes.
Les belligérants ont pour point commun d’être aux prises avec un ennemi nouveau, le Domin de Pannion, s’apprêtant à ravager le continent. Lorsqu’il s’agit d’inventer une menace crédible et terrifiante, Erikson est dans son élément. C’est bien simple, jamais il n’aura autant insufflé la peur qu’à travers sa horde de paysans anthropophages guidés par un Oracle pas bien concerné par le sort de ses troupes. A ce titre, le siège de la ville de Capustan fait office de tour de force à mi-parcours, d’une folie indescriptible et dont l’aboutissement ne peut que faire frémir.
Mais comme toujours avec l’auteur, la guerre se joue ailleurs, très loin, sur un autre plan. Sans entrer plus dans les détails, disons que le véritable antagoniste du cycle se matérialise enfin et que, on s’en doutait, les dieux vont s’en mêler. Et peu importe les dommages collatéraux.
Assuré s’agissant de son récit et de sa technique narrative, Steven Erikson lâche littéralement les chevaux dans ce tome et lance énormément de pistes qui seront poursuivies dans les tomes à venir. A bien des égards, ce tome peut donner l’impression de se clore platement, si on se laisse aller au jeu de la comparaison avec le précédent et en particulier l’arc de La Chaîne des Chiens. Ce serait bien mal les connaître, lui et sa suave technicité de conteur.
Dans ce tome riche, il a placé tous les pions dont il aura besoin ensuite, du petit troufion au seigneur de guerre en passant par le prophète au dieu mal en point mais vengeur. Surtout, il a formidablement distribué les rôles et a offert à nombre de ses protagonistes hérités des Jardins de la Lune une destinée sombre mais cruciale, un Maître du Jeu ici, un Brûleur de Pont borgne réincarné ailleurs. Les cartes sont tellement redistribuées en fin de roman qu’il est impossible de savoir vers quoi il nous dirige. La dernière page tournée conduit au soupir, celui du souffle qui doit être repris, mais aussi celui de la sensation d’avoir à nouveau tutoyé les sommets.
Les Souvenirs de la Glace n’est pas un simple roman de fantasy. C’est une démonstration de force. L’auteur entraîne son lecteur dans une odyssée sans fin, où les repères ne cessent de s’effondrer et où les certitudes virent bien souvent au doute.
D’une densité alarmante, le roman pulvérise les croyances en ajoutant systématiquement des strates de savoir sans jamais ennuyer, sans jamais perdre ou décourager son lecteur. C’est à la fois terrifiant et vivifiant d’assister à la naissance d’un mythe. Depuis le lancement de sa réédition par les éditions Leha, le Livre des Martyrs franchit les paliers, quatre à quatre.
Après un tel tome, le doute n’existe plus : Steven Erikson est le grand conteur de fantasy contemporain, lui qui a si bien digéré ses influences, ses aspirations et son Œuvre.
A ce stade, il n’est plus possible de vous dire si vous aimerez, de vous assurer que la magie opérera. Si, comme moi, vous vous plaisez à vous perdre dans les limbes du temps, de votre temps, de celui du monde qu’il dépeint, alors n’ayez pas peur du robuste exemplaire qui tente de sauter dans vos bras dans les rayons de la librairie que vous fréquentez, l’investissement demandé vous sera rendu au centuple. Vous allez découvrir que vous ne savez rien de ce monde, des lois qui le régissent, des déités et de leurs combats, du sens du mot sacrifice ou encore de la rédemption.
Plus je le lis et plus j’en apprends sur lui ; cet auteur est hors normes. Donnez-lui une chance de vous épater. Froid, calculateur, mais terriblement humain et compréhensif. Le Livre des Martyrs n’en finit plus d’exploser les barrières et il n’appartient qu’à vous de le laisser vous emmener dans les confins du monde et de l’âme.
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Créée
le 10 août 2019
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