Plus une note de lecture qu'une vraie critique pour un livre qui mériterait quelque chose d'une autre ampleur.
Braudel, en gros, s'oppose à la notion d'un capitalisme comme d'un système d'un seul tenant qui aurait suite à une brusque révolution, et le sépare très clairement du marché. Le fil conducteur est clair : il s'agit de la recherche d'une nouvelle explication (même si elle emprunte évidemment beaucoup à d'autres) de la supériorité de l'Occident, qu'il montre comme bien plus tardive qu'on ne
l'imagine généralement.
Le capitalisme concerne, en gros, ce que font les capitalistes, et de là tout s'éclaire. Le choix de la période d'abord : Braudel aurait même pu remonter plus tôt, car on voit en Occident des capitalismes sans doute au XIIIe siècle, voire au XIe (je pense même que Braudel balaie presque trop vite l'antiquité, à part dans quelques très belles mais courtes pages sur Alexandrie au temps de sa splendeur).
Il montre en le suivant de Venise à Anvers, de Gêne et Amsterdam, et enfin à Londres (au cours du 3e tome), comment, sur quelles bases (il s'agit du second tome) au cours de l'histoire, le capitalisme, ou les capitalistes ont assis leur puissance, le degré de cette puissance, ses moyens, mais aussi tout ce qui lui échappe (c'est en gros le sujet du premier tome).
Entre autres sujets d'étonnements (car Braudel n'est pas tout à son temps long, et sait donner parfois de très beaux et amusants détails qui ne déparent par le plaisir de la lecture, bien au contraire), on verra à quel point dès le début ce capitalisme a su se montrer rusé (Venise peut tranquillement chasser le puissant Roi de France d'Italie sans même l'affronter), puissant (en une image : San Giacomo del Rialto n'est-il pas plus que le Palais des Doges, le lieu de la domination vénitienne) et déjà extrêmement sophistiqué (le jeu des changes, des foires de Plaisance, du "clearing", des emprunts d’État ...).
Signe de l'efficacité de la démonstration, malgré les scrupules incessants de l'universitaire (qualité qui lui sera sans doute trop vite reprochée dans ces contrées), la brillante conclusion nous amène à la Révolution industrielle, voire aux temps présents.
En un mot, c'est un livre riche, complexe, long, trop souvent insuffisant. Mais, on en ressort avec cette impression incomparable de liberté que seule donne les plus grands livres.