Intéressante et mélancolique cuvée que ce choix de lecture dont le titre ne pouvait que laisser présager un échantillonnage de cette noirceur humaine dont Simenon est un fin observateur.
Appartient à la catégorie des romans "purs" (ou "durs") dans lesquels l'auteur relate ces portions de vie de "petites gens" (appellation qui n'a rien de condescendant, au sens de "monsieur-madame tout-le-monde") au moment où leur existence atteint un point de bascule. Ici, ce point est la décision de Juliette, fille unique de 17 ans plutôt effacée, de quitter sa famille sous l'influence d'Emile, son jeune amant lâche et falot. Cette fugue va plonger son père aimant dans une tentative désespérée pour la retrouver.
L'auteur délaisse les descriptions physiques et atmosphériques qu'on lui connaît, et parvient à restituer la psychologie des deux jeunes personnages principaux, exclusivement à travers des pages dialoguées, sans jamais ennuyer, parvenant à rendre palpable l'extrême médiocrité de cette entreprise d'émancipation juvénile irréfléchie, mue par une flasque passion. Les conséquences seront évidemment tragiques pour tous.
On admire la concision de cette lente montée en puissance de la tragédie, l'épaisseur humaine et désespérée conférée à tous les personnages en présence, sans lourdeur psychologique, l'absence de marqueurs temporels qui en font un récit universel.
A mon sens pas le plus inoubliable roman dur de Simenon lu ces dernières années, mais une belle étude de caractères au service d'une histoire forte.