Chinua Achebe est célèbre pour Le Monde s'effondre, l'un des grands classiques de la littérature sur la colonisation, et indéniablement un chef-d'œuvre. La republication du roman "Les Termitières de la savane" chez Les Belles Lettres permet de se plonger dans un autre versant de son œuvre, plus politique et directement contemporain.
Ce roman polyphonique campe un cercle de quatre amis entre deux coups d'État dans un pays africain imaginaire. Tous sont proches du nouveau pouvoir, mais vivent avec une amère déception le tournant autoritaire de "Son Excellence", leur ancien ami devenu le nouveau despote. Ikem est poète et journaliste à tendance marxiste, Chris est Commissaire à l'Information, de gauche également mais avec un arrivisme entraînant des compromissions, Béatrice est fonctionnaire et fiancée de Chris, Elewa est vendeuse sur le marché et fiancée d'Ikem. Leurs histoires s'entremêlent et se percutent dans la violence des changements de régime.
Le début du roman est violemment satirique, évoquant par exemple En attendant le vote des bêtes sauvages d'Ahmadou Kourouma, avec son cortège de courtisans stupides. Le cœur du livre est le discours d'Ikem devant les étudiants en révolte. Ce discours peut être vu comme le contenu politique du livre, une sorte de testament d'Achebe lui-même, dont le roman servirait d'écrin. On ne peut certes réduire le roman à cela, mais il est vrai qu'après ce discours, l'ensemble paraît s'étioler ; l'aventure de Chris, par exemple, m'a laissé sur ma faim. La touche finale est intéressante, avec la reprise des traditions et de la lutte par les femmes du roman, qui poursuivent l'héritage tout en le modifiant.
Je conclurai simplement en disant que c'était un beau roman. Les questions poétiques qui le parsèment l'égaient et l'ouvrent calmement. Cela donne envie d'en lire d'autres du même auteur.