Un régal. Transposition des trois mousquetaires dans le milieu médical de années 70 ,les enjeux guerriers étant supplantés par la lutte autour de la légalisation de l'I.V.G.
Raconter ces sept années de faculté, c’était montrer que devenir médecin c’est vivre plusieurs romans à la fois : un roman de... formation médicale, bien sûr ; mais aussi un roman d’amour ; un roman qui parle de pouvoir et de politique ; un roman sur l’amitié ; un roman où l’on vit, où l’on se bat et ou l’on meurt - bref, un roman d’aventures.
Comme les Trois Mousquetaires de Dumas, ces Trois Médecins de Winckler sont quatre, et ruent dans les brancards au besoin.
Bruno, Christophe, André et Basile ont fait leurs études au milieu des années 70, ils étaient amis, potassaient ensemble, sortaient beaucoup, s'amusaient, se soutenaient pendant les coups durs. Voici leurs souvenirs, assurément très proches de ceux de l'auteur, de la même génération...
Après 'La maladie de Sachs' et 'Le choeur des femmes', j'ai retrouvé avec plaisir les mots de Martin Winckler et son approche humaine de la médecine généraliste et de la gynécologie. Il prône toujours le respect, l'observation et l'écoute. Il insiste sur la nécessité d'instaurer un climat de confiance entre le patient et le soignant, et conseille, pour ce faire, de commencer par parler, avant toute chose - avant de dégainer les instruments qui font peur, notamment...
Ce récit fourmille d'anecdotes intéressantes (tragiques, amusantes...). On est tour à tour côté patient, côté soignant, côté étudiant, on reconnaît forcément des situations vécues. On s'indigne du mépris et de la connerie de certains médecins, des humiliations subies par certains malades, des épreuves qu'endurent les futurs médecins à la fac et pendant leurs stages, de l'ineptie de l'organisation des hôpitaux (cf. le rendez-vous kafkaïen pour la radio de l'estomac de Mme M.). On admire ceux qui ont l'audace de faire bouger les choses, ceux qui en prennent le temps.
« ... soigner ça n'est pas une question de compétence ou d'éthique ou de titres, et ça n'est pas non plus acquérir un savoir pour prendre le pouvoir : le pouvoir c'est mortel tandis que soigner c'est pareil à aimer éduquer partager élever accompagner porter guider... » (p. 750)
J'apprécie les constructions en patchwork des romans de cet auteur, elles rendent la lecture agréable et dynamique. Mais j'ai trouvé pas mal de passages superflus dans ce récit trop dilué. Il faut dire que quelques fils rouges ne m'ont pas convaincue - les intrigues amoureuses rocambolesques, notamment.
Moment de lecture bien agréable malgré tout, j'ai dévoré chacun des ouvrages de Martin Winckler au même rythme et avec le même plaisir qu'un bon thriller, chaque court chapitre entraîne le suivant.
Les Trois Médecins (qui s’intitulait originellement La Formation de Sachs) raconte les sept années d’études de Bruno Sachs en reprenant la trame d’un des romans d’aventures, d’amour et de formation les plus célèbres de l’histoire de la littérature mondiale : Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas.
En 1974, lorsqu’il arrive à Tourmens, Bruno Sachs-D’Artagnan rencontre André Solal (Aramis), Basile Bloom (Porthos) et Christophe Gray (Athos), trois étudiants en médecine qui deviennent ses amis et ses frères, et le Professeur Vargas (M. de Tréville), leur mentor. À la faculté de médecine - qui représente le royaume de France du roman de Dumas - tous les personnages du roman ont leur double : le Doyen Fiessinger (Louis XIII) est un grand patron vélléitaire ; le Vice-Doyen Le Riche (Richelieu) est un manipulateur arriviste ; Max Budd (Rochefort) et Mathilde Hoffmann (Milady) sont ses ambitieux chefs de clinique - et Mathilde est liée de près à un laboratoire pharmaceutique. Bruno tombe amoureux de Charlotte Pryce (Constance), assistante de l’épouse du doyen, Sonia Fiessinger, chef de service et femme de tête qui, avec l’aide de son amant, le britannique Professeur Buckley (Buckingham), lutte pour réformer les études de médecine en France.
En respectant fidèlement la trame du roman de Dumas, Les Trois Médecins transpose les aventures comiques, dramatiques, amoureuses et tragiques de tous ces personnages pendant les années soixante-dix - celles du féminisme, de la lutte pour la légalisation de l’avortement, des prises de conscience et des grandes revendications politiques. Mais le roman donne aussi la parole à ceux qui ne l’ont pas : les « petites mains » des hôpitaux - infirmières, aide-soignant(e)s, filles de salle, appariteurs, laborantins, et bien sûr, malades...
Raconté par plusieurs narrateurs, à la manière de La Maladie Sachs, l’ambition de ce roman polyphonique est non seulement de retracer comment Bruno Sachs est devenu ce qu’il est, mais aussi de décrire le monde qui, il y a trente ans, a préparé celui que nous connaissons aujourd’hui.
L'auteur nous entraîne dans le tourbillon de son histoire polyphonique, donnant la parole à de nombreux personnages, ce clan d'amis mais aussi les médecins établis, les patients, les aide-soignantes, des anonymes aussi qui se livrent au cours d'intermèdes de consultation qui ponctuent le roman.... Leurs témoignages sont souvent hyper-réalistes, et on ne peut s'empêcher de penser que Martin Winckler a recueilli ces anecdotes au fil d'un minutieux travail de terrain, d'écoute au quotidien. On pourrait être perdus par ses passages d'une voix à une autre, mais très vite cela devient particulièrement intéressant et attachant.
Extrait :
"Comment leur dire qu'on apprend à soigner en étant soi-même parce que tout est là, dans mon corps fait pour jouir et pour souffrir, semblable au corps de l'autre, et c'est là seul que nous pouvons puiser pour comprendre ce que nous faison ici, bordel ! Parce que ton corps, mon autre, m'est toujours étranger même si je me perds dedans, et c'est dans le mien - et dans le mien seulement - que je sens, que je sais si tu souffres, si tu jouis, si je te soigne ou si je te martyrise