Dans cet essai, Galeano défend la thèse que l'Amérique latine fut une terre exploitée pour le plus grand profit des deux monarchies ibériques puis plus tard des pays développés, une situation à laquelle elle n'a jamais été en mesure de s'extraire. Bien que mettant en avant le rôle immoral joué par les pays riches (Royaume-Uni puis les Etats-Unis en première ligne), il n'épargne pas non plus les oligarchies locales vénales, sans ambition et aussi souvent corrompus.
Riche en faits et en détails, ce livre reste cependant difficilement lisible, l'auteur, journaliste de formation, ayant les défauts de son métier. Je m'explique: on a parfois l'impression de lire une liste factuelle ponctuée par quelques commentaires de Galeano. Ces faits sont d'ailleurs peu hiérarchisés ou organisés. On peut passer au sein d'un même paragraphe d'un pays à l'autre, d'une époque à une autre, sans aucune transition. Il est donc difficile (du moins après une première lecture) de retenir quoique ce soit de précis.
Enfin, on perçoit facilement à travers le ton de l'auteur, à fleur de peau et enclin à la complainte, son inclinaison politique (plutôt de gauche, ce qui explique par ailleurs une certaine bienveillance vis-à-vis du Cuba de Castro), ce qui peut parfois agacer. Certes, l'Amérique latine est exploitée depuis plusieurs siècles, mais n'a-t-elle pas aussi sa propre responsabilité ? Par exemple son rendez-vous raté avec l'industrialisation ? (que l'on pourrait considérer comme un manque de clairvoyance ?) Son incapacité à s'unir pour faire front contre ses exploitants ? Certes, tout ceci est plus facile à dire qu'à faire, tout comme il est, à mon sens, facile de tout mettre sur le dos du méchant capital anglo-américain et de l'incompétence des oligarchies locales.
Bien qu'assez "lourd" et relativement ancien (la première édition de ce livre date des années 70), il me semble que ce livre mérite d'être lu, car malgré son âge, il semblerait que le constat fait à cette époque est malheureusement encore valable aujourd'hui et qu'il est un témoignage vu de l'intérieur , ayant eu un impact conséquent sur la vision politique de l'Amérique latine, on pense notamment à Hugo Chavez qui avait en son temps offert un exemplaire à Barack Obama.