Elias Canetti (prix Nobel de littérature) faisait partie d'une bande de personnalités qui ont accompagné Alfred Hitchcock à Marrakech pendant le tournage de la sequence marocaine de l'Homme Qui en Savait Trop, soit une quinzaine de jours.
Que fait un homme comme lui pendant ce temps ? Il observe, et il écrit.
Après avoir lu "Les Voix de Marrakech" il y a plus de 20 ans, je l'ai racheté en plusieurs exemplaires (il est disponible pour trois sous en Livre de Poche dans la collection Essais) pour le diffuser comme un tract à mes amis, marocains ou français.
Ce qu'un grand écrivain peut voir derrière les apparences, comprendre des sons et d'une langue qu'il ne connaît pas, ressentir, et enfin formuler de juste sur un endroit que vous connaissez, que vous avez vaguement saisi, et que vous n'avez pas su comprendre, cela vous stupéfie et vous rend très heureux.
L'écoute et l'attention aux mendiants aveugles, à leur geste et à leur psalmodies ; le marché aux dromadaires et le refus d'être abattu de la bête qui sent venir l'exécution ; la signification de la relation qui s'établit entre vous et le boutiquier quand le moment de marchander est venu (faut-il avoir été présomptueux pour avoir cru, jusqu'à ce que je lise Canetti, que le marchandage était un échange sans valeur, à éviter pour ne pas se dégrader) ; le soin délicat de son imaginaire quand on croise fugacement une personne voilée dans une ruelle, et plusieurs autres petits chapitres courts vous emportent très loin en vous-meme et dans un autre pays, dans ce petit livre intense,