Alors que la relation qu'entretient Kafka avec son père est aux antipodes de celle que j'entretiens avec le mien (son père étant lui-même diamétralement opposé au mien), je me retrouve énormément dans cette lettre, qui est, disons le, et ce malgré les apparences, une véritable déclaration d'amour par la haine.
Tout comme Kafka, la peur du père, bien qu'elle se développe à plusieurs degrés - et à l'extrême chez lui -, est un sentiment que tous les fils partagent. Un sentiment d'infériorité vis à vis de celui qui a déjà vécu, a déjà fait l'expérience de ce monde.
"Je ne vaux rien, surtout par rapport à toi", voilà une belle manière de résumer ce qu'un père est pour son fils : un modèle ; et si Kafka a "honte d'être un mauvais fils", j'ai pour ma part peur d'être plus tard un moins bon père. Car à mon avis, malgré la sévérité que peut avoir un père, son exigence, nos différends, on ne peut rien lui reprocher, à part peut être de s'être lui aussi essayé à l'éducation ; chose qui est, en sommes, bien difficile.
Et même si Franz Kafka semble dénigrer cet amour à cause de la méchanceté de son père, et la mettre sur le dos de sa naïveté infantile, d'une soumission liée à son rabaissement, et la cachant derrière une haine qu'il déchaîne, il dégage une idée fondamentale : un fils ne peut nier qu'il se construit à partir de ce qu'est son père pour lui, fut-il un salaud comme le sien.
"En fait, j'agissais ainsi, car je ne te considérais pas comme un homme comme tout le monde, ordinaire, normal, non je te considérais tel un roi, un Dieu"