Il y a aussi peu à dire, à propos des Lettres philosophiques, que beaucoup. On pourrait discourir pendant des heures sur ses positions comme les taire à jamais. En outre, on s’accordera tous à dire que l’homme avait du style. Aussi, pourrait-on également se nourrir de son esprit que s’abreuver de son verbe. Les plus avisés feront évidemment bonne chère des deux, attablés chez un hôte à qui la philosophie ne doit pas tant sa profondeur que sa pertinence. On se félicitera par ailleurs que François-Marie s’aventura hors des murs de Ferney, dans tous les domaines qui piquèrent son extrême curiosité.
On trouve en effet de tout dans ce faux corpus épistolaire (faux au sens où ces lettres n’avaient pas pour vocation d’être lues que d'un seul). Voltaire y parle aussi bien de religion que de politique, de sciences ou d’art. Si ses considérations sur les quakers sont parmi les plus savoureuses et documentées du livre (on décèlera un savant métissage de cynisme grec et de ce que l’on appellera plus tard le flegme britannique chez le fondateur de la Pennsylvanie, Guillaume Penn) et ses réflexions sur la science et les travaux de Descartes et Newton dignes de Bachelard et Heisenberg, ce sont bien ses critiques (toujours justifiées à une exception près où l’esprit juste de Voltaire cède à une forme de mauvaise foi non assumée puisque agrémentée de flatteries douteuses) sur les Pensées de Pascal qui font de ses Lettres philosophiques une des pierres angulaires de la philosophie des lumières.