Ce livre est trop ancré dans le XVIIIè pour vraiment être intéressant. Voltaire pourfend des sectes religieuses que tout le monde a oublié, attaque des théologiens et des scolastiques dont personne n'a la trace, encense ou critique des dramaturges anglais que personne ne lit. On se retrouve donc avec des détails sur le mode de vie des quakers, sur des règles comiques et des théories scientifiques bancales qui ont tous comme point commun d'être inintéressant pour le lecteur du XXIè siècle. Le pire ce sont les lettres où il vulgarise Newton, c'est véritablement incompréhensible pour un néophyte en science et en histoire des sciences. Je crois même que j'en sait moins maintenant qu'avant sur Newton.
Après quand il s'agit de mettre en pièce un argumentaire par une phrase cinglante, Voltaire est vraiment très fort. Je ne peux pas tous les mettre mais au moins pour le plaisir : En parlant de la Bourse de Londres : " Là le juif, le mahométan et le chrétien traitent l'un avec l'autre comme s'ils étaient de la même religion, et ne donnent le nom d'infidèles qu'à ceux qui font banqueroute". En parlant de projet de corriger les fautes de français des pièces de théâtre : "cette idée a eue le sort de beaucoup d'autre projets utiles: d'être approuvée et d'être négligée". Bon je sais que ce n'est pas les meilleurs mais j'ai pris ces citations au hasard des pages.
J'aime bien aussi la manière dont Voltaire critique la métaphysique (Même si cette idée est aujourd'hui très commune) en affirmant juste qu'on ne peut rien savoir. Sa critique de Pascal où il reprend juste l'opinion commune qu'on est pas si malheureux que Pascal le prétend est également très intéressante bien qu'il y a plusieurs réfutations beaucoup trop légères notamment lorsqu'il invoque Dieu, par ironie ou par sophisme.
Mais pour moi le meilleur passage du livre, c'est sa ""traduction"" d'Hamlet, déjà parce que son idée de traduction libre est vraiment bien, et surtout parce qu'il arrive à clarifier brillamment les idées du monologue to be or not be. Je vous laisse juge:
Demeure ; il faut choisir, et passer à l’instant
De la vie à la mort, et de l’être au néant.
Dieux justes ! s’il en est, éclairez mon courage.
Faut-il vieillir courbé sous la main qui m’outrage,
Supporter ou finir mon malheur et mon sort ?
Qui suis-je ? qui m’arrête ? et qu’est-ce que la mort ?
C’est la fin de nos maux, c’est mon unique asile ;
Après de longs transports, c’est un sommeil tranquille ;
On s’endort, et tout meurt. Mais un affreux réveil
Doit succéder peut-être aux douceurs du sommeil.
On nous menace, on dit que cette courte vie
De tourments éternels est aussitôt suivie.
Ô mort ! moment fatal ! affreuse éternité !
Tout cœur à ton seul nom se glace épouvanté.
Eh ! qui pourrait sans toi supporter cette vie,
De nos fourbes puissants[10] bénir l’hypocrisie,
D’une indigne maîtresse encenser les erreurs.
Ramper sous un ministre, adorer ses hauteurs,
Et montrer les langueurs de son âme abattue
À des amis ingrats qui détournent la vue ?
La mort serait trop douce en ces extrémités ;
Mais le scrupule parle, et nous crie : Arrêtez.
Il défend à nos mains cet heureux homicide,
Et d’un héros guerrier fait un chrétien timide, etc.