« L’éducation est un grand mot, on peut le mettre dans des livres et des circulaires. En réalité, tout le monde fait ce qu’il peut. Qu’on se saigne ou qu’on s’en foute, le résultat recèle toujours sa part de mystère. Un enfant nait, vous avez pour lui des projets, des nuits blanches. Pendant quinze ans, vous vous levez à l’aube pour l’emmener à l’école. À table, vous lui répétez de fermer la bouche quand il mange et de se tenir droit. Il faut lui trouver des loisirs, lui payer ses baskets et ses slips. Il tombe malade, il tombe de vélo. Il affûte sa volonté sur votre dos. Vous l’élevez et perdez en chemin vos forces et votre sommeil, vous devenez lent et vieux. Et puis un beau jour, vous vous retrouvez avec un ennemi dans votre propre maison. C’est bon signe. Il sera bientôt prêt. C’est alors que viennent les emmerdes véritables, celles qui peuvent coûter des vies ou finir au tribunal. »



Accablant. Ce roman vous l’assène avec une précision chirurgicale, les dés sont pipés.
Nous sommes dans une petite ville de l’Est moribonde, qui a connu la prospérité des métiers de dur labeur (mines, hauts fourneaux etc.) avant de créer son économie pour les pauvres (Liddle et autres Aldi).
De 1992 à 1998 (juste avant la finale de la Coupe du Monde), nous y suivons quelques spécimen représentatifs de la mixité française. Deux cousins prolo adolescents, deux copines un peu mieux nées, la bande qui deale au pied de la cité, leurs parents respectifs.
Tous interagissent avec en toile de fond les rites immuables qui rythment les années de tous les français, le bal du 14 juillet, le bac et l’orientation des études, le troquet du village et ses piliers de comptoir.
C’est moche, c’est sordide, c’est poisseux et en même temps bien sûr c’est nous aussi, ce sont nos aspirations, nos regrets, nos éclairs de compréhension et l’atroce apathie qui nous englue malgré qu’on en ait.
Millimétré au cordeau, glaçant parce que non exagéré, au contraire, pondéré et comme soucieux d’équité, ce roman explose de vérité et dévaste tout sur son passage.
Noir et excellent.

LaurenceIsabelle
9

Créée

le 4 sept. 2018

Critique lue 4.5K fois

62 j'aime

Sylvie Sagnes

Écrit par

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