Reinhard Höhn, 1904-2000. Oberführer sous Hitler devient le chantre du management après la Seconde guerre mondiale, jusqu'à l'arrivée au pouvoir du SPD en 1971, et le "Management par mission" (US) supplantant le management par délégation dont il était la marque à l'école de Bad Harzburg, créée en 1956. Penser les évolutions du management passé par le prisme du nazisme (pour un Grossraum, avec cette vision darwiniste sociale envers et contre Darwin, d'état de guerre zoologique permanent qu'est le IIIe Reich. Une société manquant de moyens humains, liquidant tout ce qui n'est pas parfaitement aryen (infirmes, non reproducteuf, juif, communiste, étrangers, ...) et vivant à crédit. Chapoutot montre ici aussi un néolibéralisme avant l'heure, en tout cas l'arrivée grandissante des agences indépendantes, s'arrogeant peu à peu les prérogatives de l'Etat, dans une perspective d'assécher ce dernier. Ne l'oublions pas, le régime nazi étouffe l'Etat, considérant celui-ci et la loi inutiles, comme des moyens vers une fin : l'avènement du Lebensraum biologiquement pur pour une seule et même "race". Inspiré des méthodes de l'armée prussienne après la défaite de 1806, le management par délégation de Höhn se dote d'une renommée mondiale, les entreprises faisant appel à ses services afin de former leurs cadres dirigeants n'ayant cure du caractère nazi du professeur talentueux. Cette technique visant à donner une tâche abstraite et laisser aux "collaborateurs" la liberté d'obéir à un ordre en y trouvant le meilleur moyen d'y accéder se répandra dans l'après guerre. Toujours dans la continuité du nazisme, le terme de "collaborateur" est utilisé afin de supprimer l'idée même de lutte des classes, et de hiérarchisation des rapports au travail. Plus de 500 000 cadres et dirigeants d'entreprises sont passés à Bad Harzburg. Un essai historique et biographique apportant de nouvelles réflexions sur le management d'hier... et d'aujourd'hui.

Sirbel
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le 6 sept. 2024

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