Limonov permet de confirmer l'idée qu'un sujet fascinant ne fait pas un grand livre.
La vie de Limonov est effectivement fascinante. Hélas, le livre pourrait s'appeler «Limonov pour les nuls» tellement Emmanuel Carrère, armé des meilleures intentions du monde, cherche à nous éclairer sur les événements à la manière d'un professeur, et aussi à rendre intelligible ses doutes, sa position qui consiste justement à ne pas prendre position, à ne pas être manichéen, et à ne pas condamner Limonov en bloc sur la base de son engagement fasciste ou de son désir de violence.
Emmanuel Carrère place également en contrepoint de l'histoire de Limonov des anecdotes de sa propre vie, dont on ne comprend pas bien si elles sont là pour démontrer une proximité avec Limonov, et donc nous faire éprouver de l'empathie pour celui-ci, ou bien simplement comme une manifestation de l'ego de l'auteur.
Il y a néanmoins dans ce "Limonov" de beaux passages, très justes, et notamment sur les à-côtés de la vie de Limonov, les personnes qu'il a croisées, la description de l'atmosphère en Roumanie au moment de la chute de Ceausescu, la rencontre de Limonov avec Zolotarev - une sorte de Dersou Ouzala - dans l'Altaï, et encore la description de son séjour en prison en Russie.
Un des mérites du livre est qu'il donne en tous cas envie d'aller voir de plus près les écrits d'autres écrivains, dont ceux de Limonov, et en particulier « Le livre des eaux », écrit de sa cellule d'une prison russe.