Edouard Limonov est un personnage atypique, détestable pour certains, passionnant pour d'autres, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ne laisse en tout cas personne indifférent. Emmanuel Carrère retrace ici son parcours hors du commun.
Tour à tour poète, presque clochard, majordome, écrivain, prenant une part plus ou moins active dans le conflit serbo-croate, fondateur d'un magazine subversif, homme politique dirigeant le nouveau parti National-Bolchévique, prisonnier politique envoyé en camp de travail pour terrorisme... Avec tout ça, le livre est forcément captivant dès le départ, et ce grâce aussi au caractère sulfureux d'Edouard Véniaminovitch Limonov qui se décrit ainsi dans Le Journal d'un raté (paru en 1982) : "J'ai un physique agréable, mais je mords. Attirant et venimeux. Des gens comme moi, on devrait les fusiller, qu'ils n'aillent pas répandre leur venin. Les États ont bien raison, ils s'y prennent même trop tard, il faudrait abattre préventivement les êtres capables de détruire. Je suis un chien enragé."
Emmanuel Carrère nous relate aussi certains évènements survenus ces deux dernières décennies en Russie, évènements forcément indissociables de Limonov, qui y participe à plus ou moins grande échelle, et la force de l'auteur est de nous conter un personnage et des faits compliqués avec une clarté et une précision bienvenue, en prenant soin de toujours se recentrer assez vite sur l'écrivain déjanté, afin de ne jamais alourdir le récit.
Un livre passionnant de bout en bout, qui, en plus de nous faire mieux connaitre, et pour certains, découvrir, ce "chien enragé", que certains considèrent comme un fasciste, d'autres comme un fou-furieux, mais, dont chaque personne qui l'ait personnellement connu dira au biographe "C'est un homme bon", apporte un éclairage intéressant sur la chute de l'Union Soviétique, le conflit serbe et narre de façon nuancée, débarrassée de tout manichéisme ou parti-pris, la vie dans une Russie d'abord communiste, puis (trop) libérale...