Quand j'ai commencé à lire Lolita, je n'ai pas réussi à m'empêcher de penser en termes manichéens à la pédophilie (mal), à l'amour (bien), à l'inceste (mal)...
J'ai d'abord pensé que Nabokov irait de plus en plus loin, dans une sorte d'escalade de la débauche, avec une avalanche de plus en plus importante et explicite de références érotiques, voire pornographiques. Mais progressivement, j'ai réalisé que l'auteur n'avait nullement l'intention d'écrire un roman érotique, ni même de choquer.
Nabokov se place bien au-dessus des questions de bien et de mal. Humbert Humbert est loin des clichés et jamais franchement méchant. Il n'a aucunement l'intention de nuire à son entourage et est lui-même dégoûté par son amour des nymphettes. Bien qu'il se traite régulièrement de "monstre", il n'apparaît jamais ainsi à nos yeux. Toujours ironique, cynique et pragmatique, Humbert désire désespérément être libre. Et on se surprend à l'apprécier, voire à l'admirer quant à son détachement, son sens de l'humour et son érudition. On est alors placé dans une attitude extrêmement dérangeante, ni passive ni moralisatrice, mais qui tend au contraire vers une connivence malsaine avec l'antihéros.
Alors que je pensais au début lire un roman indécent sur la pédophilie, l'inceste et les valeurs morales, j'ai découvert un roman sur la passion, l'amour, l'obsession, la liberté et les relations humaines. Le tout est écrit dans un style admirable, ponctué de nombreuses références culturelles qui n'apparaissent jamais comme de la masturbation intellectuelle.
Y a pas à dire, c'est dur d'écrire une critique sur Lolita quand on n'a pas le style ni la classe de Nabokov.