Lombres est un épais roman jeunesse comme on n'aurait pas osé en publier avant Harry Potter et A la Croisée des Mondes. Je me l'étais procuré aux Utopiales l'an dernier. L'auteur était présent et, ayant lu et adoré Perdido Street Station, je ne pouvais repartir sans un livre dédicacé. Lombres se prête bien à la dédicace car il est de jolie facture, avec une superbe couverture et des illustrations intérieures réalisées par l'auteur himself.
Deeba et Zanna sont copines. Elles vont à l'école, s'amusent avec leurs amies ; elles sont normales, quoi. Mais des évènements étonnants vont les plonger toutes les deux dans l'envers de Londres : Lombres (Un Lun Dun en anglais), une ville faite des ordures et des objets de rebut des Londoniens. La population y est tout aussi hétéroclite que les maisons qui les habitent et elles iront de surprise en surprise en découvrant la faune locale. Un petit coup de cœur pour le tailleur de vêtements ... en papier :
"Si tu veux, je te confectionne un gilet avec ton roman préféré ; une écharpe de poèmes ; une jupe épique ; des chaussettes historiographiques ; et des dessous en pages bibliques. Pour que tu te cultives en t'habillant."
La lune elle-même ne fait pas les choses normalement ; elle est trouée en son centre :
"L'astre flottait au-dessus de la ville, non pas comme un disque, une pièce de monnaie ou un ballon, mais comme un donut. On voyait le ciel gris à travers le cercle parfait qui lui faisait défaut."
Les deux jeunes filles ne sont pas arrivées là par hasard. En effet, Lombres court un grand danger. Le Smog, grand méchant du roman, menace de l'envahir et de la brûler de fond en comble , bibliothèques et livres compris :
"Dans mon Lombres, on brûlera les livres sitôt sortis des presses... que je goûte à l'encre fraîche. Vous mettrez le feu aux bibliothèques. Et au rayonnage du Puits Lettré. Puis l'incendie s'étendra aux bibliothèques du monde entier. Moi, j'attendrai patiemment, au-dessus de ce gigantesque brasier, que les fumées parviennent à mes narines. Alors plus rien ne me sera inconnu."
Évidemment, elles ne sont pas là pour regarder le spectacle...
Le roman souffre de certains clichés que l'on retrouve souvent dans la littérature jeunesse (pas que, cela dit) : un grand méchant à abattre et des adolescents plus futés que les adultes pour redresser la situation. Cela étant, certains éléments font, pour moi, de ce pavé une lecture hautement recommandable pour nos chères têtes blondes (pas que, cela dit).
Tout d'abord, parlons de la langue et l'écriture : les jeux sur les mots, les néologismes et un style qui ne prend pas le jeune lecteur pour un idiot (ce n'est pas le cas partout ...) sont revigorants. Quel plaisir de lire les échanges verbaux entre Deeba et Paroll. J'en profite d'ailleurs pour saluer le travail du traducteur, Christophe Rosson, pour ce tour de force et de subtilité pour mener à bien la traduction de Lombres.
Également, faire du smog un méchant personnifié n'est pas du tout anodin de la part de l'auteur. La thématique de l'écologie et des dangers de la pollution est ainsi au centre de l'attention et le livre permet qu'elle soit abordée de façon ludique.
Pour terminer, même si l'univers de Lombres n'est pas aussi fouillé que celui de Bas-Lag dans Perdido Street Station, il ne reste pas moins intéressant à découvrir, avec des moments véritablement jouissifs.
Je conclurai en disant que Lombres me semble être un bouquin à la croisée de Neverwhere de Neil Gaiman et Xanth de Piers Anthony, pour les jeunes ... et les moins jeunes.
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