Quand l'amour, c'est n'avoir jamais à dire qu'on est désolé.
Quand j'étais petite, on m'a offert cette poupée chiffon qui faisait de la musique quand on tirait sur une petite cordelette. Elle jouait le thème de Love Story. J'ai si souvent tiré sur cette cordelette que la musique a finie par railler, jouant pratiquement une fausse note sur deux. Mais je n'en avais pas grand-chose à faire, parce que tout ce que j'entendais c'était cette musique mélancolique, qui m'était si familière.
Love Story, je l'ai aimé avant même de l'avoir lu. A cause de ça. Parce que ce n'est pas possible de composer une si belle mélodie pour une histoire qui ne serait pas au moins aussi belle.
Et puis j'ai eu raison.
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Dans l'Amérique des années 70s, Oliver Barrett - IVe du nom - étudie le droit à Harvard mais lui préfère le hockey sur glace, qui lui fait oublier le poids de ses ancêtres. Il rencontre Jenny Cavilleri, une intello farouche, musicienne, à l'humour sarcastique, issue d'une famille modeste. Les deux jeunes gens se haïssent d'emblée et n'ont de cesse de s'envoyer des répliques caustiques.
Mais comme le titre l'indique, et parce que qui aime bien châtie bien, ils tombent fatalement éperdument amoureux l'un de l'autre.
Ils se marient, malgré les réticences du père d'Oliver. Le jeune homme apprend alors à s'émanciper, sortant de la vie de son père pour enfin « entrer dans la sienne ». Le jeune couple doit faire face aux difficultés matérielles de la vie et se débat pour payer les études d'Oliver en école d'avocat. Mais si rien n'est facile tout est surmontable, et à deux ces préoccupations paraissent bien secondaires. Leur passion est teintée d'humour et de conflit. Ils sont durs, rien n'est mielleux, mais ils s'aiment par-dessus tout et l'on reçoit leur amour en pleine figure.
« - Salut Jenny ! clama une matrone.
- Salut, Mrs. Capodilupo ! répondit Jenny sur le même ton. Je sortis de la voiture. Je sentais tous les regards fixés sur moi.
- Dis-donc qu'est-ce que c'est que ce garçon ? cria Mrs Capodilupo. On ne pouvait pas dire qu'ils étaient très subtils dans ce quartier.
- Rien du tout ! répondit Jenny. Ce qui contribua à me donner une assurance du tonnerre.
- C'est bien possible, cria Mrs Capodilupo en me regardant, mais la fille avec qui il est, elle, c'est quelques chose !
- Il le sait, répondit Jenny. »
Alors que l'on apprend la maladie de Jenny (à seulement 20 pages de la fin !), Erich Segal, à travers elle, refuse encore une fois de tomber dans le pathos. La jeune femme refuse de s'apitoyer sur son sort et réprimande avec virulence son père et son mari, qui peinent à gérer leur douleur. 20 petites pages, durant lesquelles Oliver n'a presque pas le temps de réaliser la souffrance qu'il ressent.
La mort de Jenny à l'hôpital, dans ses bras, est narrée avec une simplicité et une douceur étonnante. Erich Segal ne cherche pas les larmes, et les fait pourtant couler à flots.
Sortant de l'hôpital en jeune veuf, Oliver rencontre son père, qui avait appris la condition de sa belle-fille et était venu apporter un soutien tardif à son fils.
Alors qu'il s'excuse, Oliver lui répondra une phrase qu'il avait un jour apprise de Jenny : « l'amour c'est n'avoir jamais à dire qu'on est désolé ».
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Love Story est une magnifique histoire d'amour, parce qu'elle est vraie. Et elle est émouvante parce qu'elle est juste. Rien n'est romancé, les travers des personnages ne sont pas éludés - bien au contraire, et c'est ce qui fait paraître leur amour encore plus réel. Parce qu'ils s'aiment malgré ça, par-dessus ça. Nous sommes bien loin du mélo que d'aucuns supposent...
La simplicité de l'écriture d'Erich Segal rend son propos d'autant plus fort : en à peine un peu plus d'une centaine de pages, on se retrouve submergé d'émotions, de ressentis. Parce que l'on vit avec eux.
J'ai donc connu la musique, puis le livre, puis le film.
Ils ne sont pas dissociables à mes yeux. Ce sont des instants de douceur amère qui viennent me raconter inlassablement la même histoire, à l'image du thème musical ou se répondent tour à tour piano, guitare, et cordes. C'est cette éternelle tristesse qui me revient. Mon admiration pour cet amour à l'état pur.
J'ai appris que l'auteur avait d'abord écrit le scénario, puis qu'il l'avait transformé en roman, n'ayant réussi à le vendre, et cela ne m'étonne finalement pas.
« Que dire d'une fille de vingt-cinq ans, quand elle est morte ? Qu'elle était belle. Et terriblement intelligente. Qu'elle aimait Mozart et Bach. Et les Beatles.
Et moi. »
NB : J'ai eu la bien malheureuse idée de lire ce livre en version bilingue. Ce qui fait qu'après avoir pleuré sur une page en anglais, j'allais vérifier sur la page française si cela m'émouvait autant. Autant dire que j'ai dépensé en kleenex.
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