Quand on parle de liberté
Dans Les Mouches, Sartre réécrit la tragédie grecque, où les héros font l'apprentissage de leur liberté, s'inspirant pour cela du mythe d'Oreste.
Oreste est un jeune homme lorsque Agamemnon est assassiné par Égisthe, l'amant de sa mère Clytemnestre, complice de ce dernier.
Parvenu à l'âge adulte, Oreste revient à Argos pour exécuter l'oracle d'Apollon : venger son père en tuant Égisthe et Clytemnestre.
Sartre construit toute sa pièce sur la prise de décision d'Oreste : sa vengeance.
Oreste éprouve sa liberté en situation, face à un choix.
L'action d'Oreste est libre car il n'y ni tentateur ni fatalité. "Jupiter est sans pouvoir sur celui se sachant libre".
Oreste juge son action juste et c'est pourquoi elle est rapide.
Il possède un lourd sentiment de responsabilité de son acte, mais aucune culpabilité. Il n'éprouve aucun remord et assume son action.
Pour lui, regretter un crime est un moyen lâche de s'en défaire.
... Mais la liberté a un coût. C'est elle qui fait d'Oreste un personnage isolé, abandonné tour à tour par son précepteur, Jupiter, puis par sa soeur, Électre.
Libéré, Oreste peut se gouverner lui-même.
"J'ai fait mon acte, Électre, et cet acte était bon. Je le porterai sur mes épaules comme un passeur d'eau porte les voyageurs [...] Et plus il sera lourd à porter, plus je me réjouirai, car ma liberté, c'est lui."
"Je n'ai rien à te donner - que mon crime. Mais c'est un immense présent. Crois-tu qu'il ne pèse sur mon âme comme du plomb? Nous étions trop légers, Électre: à présent nos pieds s'enfoncent dans la terre"
Sartre nous invite ici à une véritable introspection et à une prise de conscience de notre pouvoir sur nous-même. Il pose la décision et l'action comme définitions de notre liberté. Et nous donne envie d'oublier, comme Orestre, le mot "regret".
Pour enfin exister.