La musique de la passion

Hasard ou coïncidence ? Deux des romans les plus passionnants de ce premier semestre 2022 sont britanniques et fortement imprégnés de musique. Même s'ils diffèrent beaucoup dans leurs thématiques et leurs développements, Utopia Avenue de David Mitchell et Lovesong de Jane Sanderson, le premier pour l'épaisseur de sa narration, le second pour sa puissance émotionnelle, sont deux livres qui accrochent et font vibrer avant de laisser orphelin, une fois la lecture achevée. Dans Lovesong, deux temporalités alternent, à Sheffield (pas le lieu le plus romantique du monde) dans les années 70 et à Adélaïde (Australie), Édimbourg et Londres, plus de trente ans plus tard. C'est de passion amoureuse dont nous parle Jane Sanderson, d'un premier amour avorté et qui peut éclore à nouveau, alors que le temps en avait effacé la blessure mais pas la cicatrice ni encore moins la nostalgie. La musique (celle de Bowie, de Costello, de Joni Mitchell, des Cure, des Arctic Monkeys, entre autres, voir la playlist en fin d'ouvrage) est le lien qui va unir à nouveau les deux héros de Lovesong et faire trembler leur cœur, comme trois décennies plus tôt, avec à la clé la question qui tue : faut-il privilégier la passion ou la raison ? Malgré un très léger coup de mou en son milieu, le roman est irrésistible et ne semble (presque) jamais mièvre, porté par un style simple et sans afféteries inutiles. A noter aussi que les "seconds rôles" ne sont pas négligés, auxquels l'écrivaine prête des caractères psychologiques très précis. Lovesong, c'est du romanesque pur, des sentiments à fleur de peau et un écho aux vies de tout un chacun, pauvres mortels que nous sommes, obligés de faire des choix impossibles, quitte à sacrifier (ou pas) un bonheur trop incandescent.