« Luna, lune du loup » est le deuxième tome de la « trilogie lunaire » de Ian McDonald, initiée par « Luna, nouvelle lune » paru l’année dernière chez Denoël Lunes d’encres. L’auteur y imagine une Lune colonisée par l’Homme. La particularité de la société lunaire est qu’elle n’est pas organisée comme une nation mais comme un conglomérat d’entreprises dédiées à l’exploitation des ressources lunaires et à leur export aux nations terrestres. En somme, une société où le capitalisme est poussé à son paroxysme. Il n’y a pas de loi sur la Lune, seulement des contrats.
Capitalisme sauvage
Un cadre formidable pour développer une histoire, rendue passionnante par les excès de cette société (deux exemples d’idées géniales et frappantes : les habitants doivent payer leur oxygène – ainsi les plus pauvres ont du mal à respirer, les litiges judiciaires peuvent se régler par des duels à mort). Un cadre formidable aussi pour développer une réflexion politique grâce à la comparaison inévitable que se fait le lecteur entre la société lunaire du roman et la sienne. Rien que de très classique pour la SF a priori… mais c’est sans compter sur l’immense talent d’Ian McDonald. La critique en creux de l’ultralibéralisme est beaucoup plus fine et nuancée qu’il n’y paraît, puisque le tableau de ce capitalisme sauvage n’est pas aussi noir qu’attendu – la liberté folle dont jouissent les habitants de la Lune peut faire apparaître cette société comme progressiste par rapport à la Terre.
Dans l’œuvre de McDonald, cette trilogie fait suite à une trilogie « terrestre » (« Le fleuve des dieux », « Brasyl », « La maison des derviches ») dans laquelle l’auteur avait imaginé un futur à partir de trois nations et cultures différentes : l’Inde, le Brésil et la Turquie. Cet intérêt rare et original pour développer une SF dont les racines culturelles ne soient pas purement anglo-saxonnes se retrouve dans la trilogie « Luna » au travers des « Cinq Dragons », les cinq plus grandes entreprises contrôlant la Lune, qui sont toutes familiales et originaires d’autant de pays différents sur Terre. La culture la plus présente dans la trilogie étant celle du Brésil, dont est originaire la famille Corta, personnage principal de la trilogie.
Si l’intrigue, bien que redoutablement efficace, soit au fond peu originale – la lutte faite d’alliances et de trahisons des Cinq Dragons pour le contrôle de la Lune –, elle est inscrite dans un cadre si plein d’inventions, de provocations et d’émotions que le roman enthousiasme à presque chaque page.
Ce deuxième tome est la suite directe du premier, et s’achève aussi brutalement que ce dernier : la trilogie « Luna » est moins une trilogie qu’un seul et unique roman découpé en trois parties. On attend donc avec impatience la parution du troisième et dernier tome de ce grand roman. Qui nous aidera peut-être à décider si oui ou non « Luna » est le chef-d’œuvre d’Ian McDonald.
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