Comme souvent chez Steinbeck, ce roman est écrit comme une pièce de théâtre. Les descriptions sont très factuelles, suffisamment précises pour qu'on s'imagine les lieux, mais pas trop longues et laissant en partie la place à l’imagination. C'est un peu comme si on assistait soi même à la scène ! On voit certains éléments, certains détails et d'autres nous restent invisibles, non remarquées ou hors de vue.
Les personnages sont brièvement présentés et l'essentiel de ce qu'on sait d'eux vient de leur apparence ou de leur comportement. Le récit n'avance qu'à travers les dialogues, parfois du côté envahisseurs, parfois du cotés envahis. Chaque chapitre a lieu dans une seules et unique pièce ce qui renforce cette impression d'assister à une pièce de théâtre.
Les personnages sont, comme souvent (encore) chez Steinbeck, profondément humains. Chacun d'eux a son caractère et sa complexité, ses défauts et ses vices, ses tourments et ses obsessions, ses fragilités et ses qualités. Ils ne sont ni bons ni mauvais, chacun craint l'autre camp, agissant en fonction de sa formation, de ses ordres, de son devoir ou de ses besoins, agissant par vengeance, liberté, résistance ou convictions. Chacun a son passé et ses motivations, et si le comportement peut être condamnable, on ne peut le reprocher aux gens.
Beaucoup sont forcés de faire des choses qu'ils ne veulent pas et tous sont rongés par la situation. La haine est de chaque côté, ce qui entraîne des morts dans les deux camps, augmentant ainsi la haine et la peur de part et d'autre.
Steinbeck tient un propos anti-guerre dans cette oeuvre. Il souligne le fait que la guerre n'entraîne que mort, souffrance et haine. Les soldats partent motivés et convaincus par la propagande que ce qu'ils font est positif, puis supportent un certains temps la dureté de la guerre et les privations toujours grâce à la propagande. Mais ça ne dure pas, un jour ou l'autre le doute s'installe, pourquoi tout va bien ailleurs alors qu'ici c'est intenable ?
Steinbeck avance aussi que à la guerre, le scénario est toujours le même et que l'état major donne toujours les mêmes ordres pour régler les problèmes. Des ordres qui ne font en réalité qu'empirer la situation.
On peut alors se poser la question de ce qui se passe, ou s'est passé, en Afghanistan, en Irak, au Vietnam et tout les autres pays où l'intervention des occidentaux ne se passe pas comme prévu et où il y a rébellion, attentats, terrorismes. Est ce que ce ne serait pas, après tout, que la répétition de ce qui se passe dans Lune noire ?
Des envahisseurs naïfs, "bienveillants", bien intentionnés, qui se voient comme aidant leur patrie mais aussi la populations qu'ils envahissent, ne demandant en échange qu'un peu de travail, de ressources et de discipline.
Mais une Force irrépressible, universelle, invincible et invisible, pousse ceux qu'on envahit à résister, à tout prix. Afin de retrouver leur liberté.
Steinbeck livre ici un livre subtil sur la nature humaine, la guerre et la liberté, un livre complet et réfléchis, qui fait réfléchir.